Les demandeurs d’emploi risquent de devoir rendre des comptes plus précis. Depuis lundi, le contrôle renforcé des chômeurs est généralisé après avoir été expérimenté pendant près d’un an dans quatre régions. Ce nouveau système de contrôle est d’abord lancé dans les trois régions jusqu'ici expérimentatrices, avant de se généraliser à tout le territoire d'ici à la mi-novembre. Objectif : identifier les demandeurs d’emploi les moins actifs dans leurs recherches pour mieux les accompagner mais aussi les rappeler à l’ordre, voire les sanctionner. Les associations de défense des chômeurs y voient "un aveu d’échec magistral de ce qu’est Pole Emploi".
Des équipes dédiées au contrôle des chômeurs. Pour mettre fin aux polémiques sur l’étendue des fraudes aux allocations chômage, François Rebsamen annonçait en septembre 2014 un renforcement des contrôles. Pour y arriver, Pôle emploi a révolutionné ses méthodes. Aujourd'hui, quand vous êtes au chômage, c'est le même conseiller qui est chargé de vous accompagner pour trouver du travail et pour contrôler que vous cherchez bien du travail. Deux fonctions qui sont désormais séparées, des équipes spéciales se chargeant désormais du contrôle des chômeurs. 180.000 dossiers devraient être ainsi traités chaque année.
Questionnaire, appel téléphonique, entretien. Quelles seront les différentes tâches de ces nouveaux contrôleurs ? Tout d'abord, ils ne vont pas contrôler tous les chômeurs mais plutôt définir ceux qui seront surveillés, soit de manière aléatoire, soit en se basant par exemple sur les listes de métiers qui ne prennent pas preneurs. Ils leur enverront ensuite des questionnaires écrits, suivis en fonction des réponses d'un appel téléphonique. Si au final, un doute apparaît sur le sérieux de la recherche de travail, le chômeur sera convoqué à un entretien avec à l'issue, une possible radiation. Sanction prévue : 15 jours de radiation pour le premier manquement, et s'il se répète, jusqu'à six mois de radiation.
Pôle emploi a tenu à préciser que ce nouveau dispositif ne s'accompagnait d'aucun objectif en termes de nombre de radiations. "L'objectif n'est pas de reprocher au demandeur d'emploi de pas trouver du travail, mais de repérer des personnes qui soit ont baissé les bras, soit ne cherchent pas efficacement. La sanction n'est pas le but recherché, au contraire", souligne Pôle emploi.
Quel bilan dans les régions-test ? Avant de le généraliser, Pôle Emploi a expérimenté ce dispositif dans quatre régions : Haute-Normandie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Franche-Comté. Dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, l’équipe de contrôleurs a choisi d’effectuer des contrôles sur des bénéficiaires sélectionnés au hasard. Résultat : 8% des chômeurs contrôlés ont été radiés. En Franche-Comté, il a été décidé de cibler les chômeurs exerçant des métiers sous tension ou ayant bénéficié de formations : cette fois-ci, ce sont 35% des bénéficiaires contrôlés qui ont été radiés. Enfin, dans le Poitou-Charentes, ce sont 15% des 5.500 personnes testées qui ont été radiés.
Les personnes radiées sont en majorité des chômeurs de longue durée (63%), inscrits depuis plus d'un an, et non indemnisés (55%). Après leur radiation, la majorité des demandeurs d'emploi (entre 62% et 71%) se sont réinscrits. Une partie des chômeurs repérés n'a cependant pas été sanctionnée, soit parce qu’ils avaient "besoin d'être remobilisés", soit parce qu’ils rencontraient des "difficultés particulières liées à leur situation personnelle" : c’était le cas de 12% des personnes contrôlées en région Paca, de 15% en France-Comté et de 23% en Poitou-Charentes.
"Un aveu d’échec magistral de ce qu’est Pôle Emploi". Si le gouvernement présente ces contrôles comme une manière de mettre fin aux soupçons sur l’ampleur de la fraude, les associations de chômeurs y voient une triste ironie. "Le drame, c’est qu’un chômeur soit finalement content d’être contrôlé parce qu’enfin, depuis des mois, il a des nouvelles de Pôle Emploi", commente Pierre Edouard Magnan, délégué fédéral du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP). Et ce dernier d’ajouter sur Europe 1 : "qu’il faille mettre en place un dispositif de contrôle pour effectivement aller chercher des chômeurs que Pole Emploi ne va plus chercher pendant des mois, c’est un aveu d’échec magistral de ce qu’est Pôle Emploi. Et un signe manifeste du manque de personnel et de moyens mis sur la table pour accompagner les chômeurs vers leur retour à l’emploi ".
"C'est du flicage, une industrialisation numérique du contrôle de la radiation", dénonce également Vladimir Bizet-Sefani, de la CGT-Chômeurs du Morbihan. "On demande au chômeur de rendre des comptes. Mais ce mois-ci, il y a eu 600 CDI signés pour 22.700 inscrits au chômage dans le Morbihan: avec des chiffres aussi misérables, comment peut-on demander de se justifier ?", s'insurge-t-il, avant d’ajouter que Pôle emploi "devrait plutôt contrôler la qualité des offres sur son site, où l'on trouve parfois quatre fois la même annonce".