Les trains de nuit, c’est (presque) fini

Considérés comme peu stratégiques et délaissés financièrement par la SNCF, les trains Intercités de nuit risquent de ne devenir qu'un lointain souvenir. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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TRANSPORT -

L’Etat a décidé d’arrêter de financer la plupart des lignes de nuit du réseau Intercités, confronté à un déficit grandissant.

Les trains de nuit, avec ses voyages à six dans une cabine au confort spartiate, bercés par le roulis des wagons, risquent de ne devenir plus qu’un lointain souvenir. Boudés par les voyageurs, les Intercités de nuit accumulent les déficits et coûtent de plus en plus cher à l’Etat. Le gouvernement a donc décidé d’arrêter progressivement les frais et annoncé vendredi qu’il allait arrêter de subvention six des huit lignes de nuit. Ces dernières risquent de fermer si aucun repreneur ne se manifeste.

Le réseau Intercités perd de plus en plus d’argent, surtout la nuit. Une partie du réseau SNCF ne subsiste que grâce aux subventions de l’Etat, qui finance certaines lignes pour offrir une alternative au transport routier et favoriser la mobilité. C’est notamment le cas du réseau Intercités, dont le nom officiel est "trains d'équilibre du territoire (TET)" et qui comprend 30 lignes : 22 lignes de jour et 8 lignes de nuit.

Sauf que ce réseau Intercités séduit de moins en moins. Sa fréquentation a baissé de 20% depuis 2011, et fait perdre toujours plus d'argent à l’Etat : le déficit devrait dépasser 400 millions d'euros en 2016. Et la situation est encore plus inquiétante en ce qui concerne les seuls trains de nuit : ils ne transportent que 3% des passagers mais représentent 25% de déficit du réseau Intercités. "Chaque billet vendu nécessite plus de 100 euros de subventionnement public en moyenne", a résumé vendredi le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies.

Seules deux des huit lignes de nuit préservées. Le gouvernement a donc décidé d’arrêter les frais en profitant d’une fenêtre de tir : la négociation d’une nouvelle convention Intercités avec la SNCF pour la période 2016-2020. C’est à cette occasion que l’Etat entérine ses investissements pour les années à venir. En décidant de ne pas moderniser six des huit lignes de nuit, il a donc de facto validé leur disparition annoncée.

Seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol vont faire l’objet de nouveaux investissement, l’Etat estimant qu’il n’existe pas d'offre alternative de transport suffisante pour desservir ces régions.

En revanche, les six autres lignes vont être progressivement délaissées. Il s’agit des lignes suivantes : 
- Paris – Toulouse – Rodez – Albi
- Paris – Hendaye – Tarbes
- Paris – Savoie (Bourg-Saint-Maurice et Saint-Gervais)
- Paris – Nice
- Luxembourg – Nice - Port-Bou
- Strasbourg – Nice - Port-Bou

Laisser aux lignes menacées une seconde chance. Toutes les lignes de nuit abandonnées par l’Etat ne sont pas pour autant définitivement condamnées. Le gouvernement va lancer un "appel à manifestation d'intérêt" pour permettre à d'éventuels opérateurs ferroviaires de proposer de "nouveaux schémas d'exploitation innovants". Certaines lignes de nuit pourraient donc être relancées par des concurrents de la SNCF d’ici le 1er juillet prochain. En revanche, celles qui n’intéressent personne seront alors définitivement fermées.

Cette seconde chance est néanmoins pour beaucoup un jeu de dupe. Car les concurrents de la SNCF n’ont pas caché leur peu d’intérêt pour des lignes laissées à l’abandon depuis plusieurs années. Transdev, qui opère sur les lignes de nuit Paris – Rome, Paris – Venise et Marseille – Milan, a ainsi dénoncé "une ouverture en faux semblants". A ses yeux, cet appel d’offre "consiste à demander aux opérateurs alternatifs de sauver les autres lignes de nuit qui sont à bout de souffle, avec un matériel hors d'âge et dont l'équilibre économique est impossible".

Un point de vue partagé par le rédacteur de la lettre spécialisée Mobilettres, Gilles Dansart, qui ne croit pas non plus à cette solution et parle d'une "mort lente" des trains de nuit sur les six lignes en question. La CGT-Cheminots demande donc au gouvernement de renoncer à "supprimer" ou "privatiser" les trains de nuit, qui "répondent à des besoins d'aménagement du territoire en desservant des zones qui ne le sont pas par les TGV ou TER". Une ligne également défendue par Europe Ecologie-Les Verts, pour qui "les lignes de nuit sont un moyen de voyager accessible et non polluant".