Il y a des idées reçues qui ont la vie dure. La campagne présidentielle en a donné un nouvel exemple récemment. Pendant des mois, les partisans de la sortie de l'euro, Front national en tête, n’ont cessé de répéter que l’euro avait entraîné une flambée des prix, rognant ainsi le pouvoir d’achat des Français. Un refrain que les élections législatives risquent bien de remettre au goût du jour. Sauf que la réalité est toute autre comme le rappelle l’Insee dans une étude publiée mercredi. Au contraire, l’euro a plutôt eu tendance à limiter la hausse des prix.
Inflation réduite après le passage à l’euro. De 2002, date de l'entrée en vigueur de l'euro, à 2016, l'inflation est restée "relativement modérée au regard du passé", souligne l'organisme public dans cette note, qui détaille par le menu l'évolution des prix pour plusieurs biens de consommation. Le rythme d'inflation atteint au cours des quinze dernières années (+1,4% par an en moyenne) est ainsi inférieur à celui des quinze années précédentes (+2,1% entre 1986 et 2001), pourtant marquées par le contre-choc pétrolier et les baisses de TVA.
Depuis que l’euro a investi nos porte-monnaie, l’inflation n’a dépassé 2% qu’à quatre reprises, en 2003, 2004, 2008 et 2011. Un tel dépassement était courant avant les années 1990 et la mise en place du traité de Maastricht, entraînant une plus grande stabilité monétaire. A noter que l’inflation depuis 2002 est moins forte en France que dans la zone euro (+1,7% en moyenne).
Les Français ont longtemps pensé en franc. Comment expliquer le décalage entre la perception des ménages et la réalité statistique ? Les publications de l’inflation sont beaucoup moins commentées que celles de la croissance ou du chômage, notamment car elles peuvent paraître plus abstraites. Surtout, pour l'Insee, la divergence s'explique par le fait que les consommateurs "sont plus sensibles à l'évolution des produits achetés fréquemment, dont ils se rappellent plus facilement le dernier prix valorisé en francs".
Les arrondis ont trompé les consommateurs. Or pour certains produits, le passage d’une monnaie à l’autre a effectivement entraîné une hausse des prix. En partie à cause de l’application d’une grille tarifaire psychologique, les fameux prix de type "19,99 euros" et les prix ronds, auxquels les consommateurs sont sensibles. L’Insee rappelle que cet "effet arrondi" a impacté à la hausse les produits de consommation courante (+0,3% pour le pain, +1,5% pour les cafés) et à la baisse les achats ponctuels comme les appareils électroménagers. Logiquement, pour comparer les prix en franc et en euro, les consommateurs se sont focalisés sur leurs achats du quotidien.
La comparaison entre inflation réelle et perception des ménages montre clairement un renversement en 2002. Auparavant, les Français avaient plutôt tendance à penser que les prix baissaient (alors même qu’ils augmentaient légèrement). Avec l’euro, ils ont été plus sensible à la hausse des prix et ce n‘est qu’en 2014 que leur perception a changé. Les comparaisons en franc sont de moins en moins en courante au fur et à mesure que s’installent les générations qui n’ont connu que l’euro.
L’augmentation du prix de la baguette est normale. Pendant une dizaine d’années, les Français habitués au franc ont continué à comparer avec les prix en euro. "Ainsi pour la baguette, par exemple, ils auraient tendance à comparer son prix actuel (0,87 euro en moyenne) à son dernier prix de 2001, d'en moyenne un peu plus de 4,30 francs (0,66 euro)", illustre l’Insee. La hausse de 32% sur le prix de la baguette depuis le passage à l'euro apparaît ainsi "forte" mais "elle correspond à une hausse annuelle moyenne de seulement 1,9% par an", une évolution conforme à celle enregistrée avant le passage à l'euro, selon l’institut statistique.
Les prix des biens ont augmenté… C’est un fait, "les prix moyens des produits de consommation courante ont augmenté en 15 ans", souligne l’Insee. Mais il faut relativiser cette hausse. "Dans son ensemble, le rythme de hausse des prix des produits alimentaires, qui regroupent la plupart de ces produits achetés fréquemment, n’a quasiment pas varié entre la décennie précédant le passage à l’euro (+ 1,6 % en moyenne par an de 1991 à 2001) et les quinze années qui ont suivi (+ 1,4 % depuis 2002)", complète l’institut.
… mais moins qu’il y a 25-30 ans. Globalement, l’inflation moyenne des principaux postes de consommation a été plus faible entre 2002 et 2016 qu’entre 1991 et 2001. Ainsi va des vêtements (+0,4% par an contre +0,8%), de l’énergie (+2,2% contre +3%), des loyers (+2,3% contre +2,9%), des transports (+1,5% contre +2,4%) ou encore du tabac (+5,6% contre +8%). Des chiffres qui devraient mettre fin aux clichés sur la prétendue flambée des prix à cause de l’euro.