Réforme du Code du travail, étape 1. Les députés s'attaquent lundi à l'examen du projet de loi dit "d’habilitation", visant à autoriser le gouvernement à réformer le code du Travail par ordonnances. Le texte a déjà été adopté en commission la semaine dernière et fixe un cadre pour délimiter le futur pouvoir du gouvernement. Les fameuses ordonnances, qui seront présentées en Conseil des ministres le 20 septembre, pourront ainsi porter sur les indemnités prud’homales, sur le rôle des accords d’entreprises et de branche, sur les instances de négociations ou encore sur la création d’un nouveau contrat de travail.
Ces ordonnances reprendront des engagements de campagne d’Emmanuel Macron. Mais Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, le promet : les organisations syndicales et patronales seront écoutées et certaines de leurs propositions seront reprises. "Les huit organisations (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC et Medef, CPME, U2P) ont fait des propositions constructives. […] Il y a des points qui ont été retenus et d'autres qui le seront dans les prochaines semaines de la concertation", promettait la ministre le 25 juin dans le JDD, sans donner davantage de précision. Pour l’heure en tout cas, les négociations, qui ont démarré début juin, semblent plutôt soumises à des impasses. Europe 1 fait le point sur les mesures envisagées et les principaux points de blocage :
- Sur les licenciements :
C'est l'objet de la troisième phase de concertation, qui démarre elle aussi ce lundi. Le gouvernement promet d'"harmoniser", voire "unifier" le régime juridique des licenciements. Le texte qui arrive lundi au Parlement prévoit notamment que les ordonnances pourront se prononcer sur le périmètre géographique qui est pris en compte pour apprécier les difficultés économiques d'une entreprise qui veut licencier. L'éxécutif pourrait consentir à réduire ce périmètre (une entreprise qui se porte bien pourrait alors licencier si l’un de ses services ou site est en difficulté).
Sur ce point soutenu par le patronat et combattu par la CGT, la CFDT et FO freinent sans fermer la porte : elles réclament une hausse "significative" des indemnités légales de licenciement.
- Sur le plafonnement des dommages et intérêts prud'homaux pour licenciement abusif :
C’est la mesure la plus contestée par les syndicats mais le gouvernement y tient : établir un plafond maximum pour les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. Le gouvernement assure que cette mesure libèrera les entreprises de "la peur d’embaucher" et leur permettra surtout de budgéter à l’avance le coût d’un licenciement. Le patronat réclame un plafond depuis longtemps et son montant, non fixé par l’exécutif, est au menu de la concertation depuis deux semaines. Les syndicats veulent que le juge puisse déroger au référentiel obligatoire. En clair, que le plafond ne soit pas vraiment obligatoire. Pour en savoir plus sur cette mesure, vous pouvez lire notre article ici.
- Sur la pénibilité :
Réforme emblématique du précédent quinquennat, le compte pénibilité permet aux salariés du privé occupant un poste pénible de cumuler des points afin de partir plus tôt à la retraite, se former ou travailler à temps partiel sans perte de salaire. Actuellement, le compte pénibilité est financé par deux taxes : l'une, une cotisation, de 0,01%, acquittée par toutes les entreprises, l'autre, de 0,2%, pour les employeurs ayant exposé leurs salariés à la pénibilité (0,4% pour plusieurs critères).
Avec la nouvelle mouture esquissée ce week-end par le Premier ministre, le dispositif est inchangé pour six critères mais il change de façon notoire pour quatre (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques). Les employés exposés à ces quatre risques pourront encore bénéficier d'un départ anticipé à la retraite, mais seulement quand "une maladie professionnelle a été reconnue" et quand "le taux d'incapacité permanente excède 10%". En outre, la seconde cotisation patronale pourrait être supprimée.
Force ouvrière a critiqué lundi des "insuffisances notoires" dans le dispositif et qualifié de "mesquinerie" la suppression de la cotisation patronale. La CFDT a aussi déploré un dispositif qui "va à l'encontre de la prévention" et confère "un droit à continuer d'abîmer la santé des salariés".
- Sur les accords de branche et les accords d’entreprise :
Le gouvernement veut donner davantage de poids aux accords de branche et aux accords d’entreprise. C’est un sujet très sensible que la ministre Muriel Pénicaud a tenté de déminer fin juin, précisant "qu’elle ne voulait pas un code du travail par entreprise". "La loi reste au-dessus de tout", promet-elle. "Nous souhaitons clarifier la situation, souvent complexe, et renforcer l'accord d'entreprise tout en assurant aux branches leur pouvoir de négociation, ce qui n'est absolument pas contradictoire", enchainait-elle après un Conseil des ministres sur la question.
Concrètement, les accords de branche vaudront de manière "impérative" pour la fixation des minimas sociaux, les classifications professionnelles, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, des fonds de prévoyance, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la prévention de la pénibilité. Tous les autres sujets pourront être décidés en accord d’entreprise.
Mais FO, la CFTC, la CPME et l'U2P contestent pour l’heure cette répartition, et veulent que la branche maintienne le verrou sur le plus de domaines possible pour une question "d'égalité de traitement des salariés et pour éviter le dumping social", explique Michel Beaugas (FO). Au cœur de l’enjeu notamment : la question de la durée minimale des temps partiels et des CDD, ainsi que la possibilité d’avoir recours à un "contrat de chantier" ou un "CDI de projet", un contrat qui permet de recruter une personne le temps de mener à bien un projet.
La CFTC réclame aussi que la branche ait le verrou sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). A l'inverse, pour Alexandre Saubot (Medef), "il faut qu'un maximum" de thèmes soient ouverts à négociation dans l'entreprise.
- Sur la réforme des instances représentatives du personnel :
La fusion du Comité d'entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT, envisagée par Emmanuel Macron dès sa campagne, semble actée. Le Medef réclame toutefois que les délégués syndicaux (DS), chargés de négocier, soient absorbés par cette structure. La CPME souhaite, elle, qu'en l'absence de DS, l'instance fusionnée puisse négocier.
Les syndicats s'y opposent. Ouvrir la négociation à cette entité "risque de renvoyer à la décision unilatérale de l'employeur", alerte Véronique Descacq (CFDT). C'est "un danger pour la légitimité des syndicats", abonde Gilles Lecuelles (CFE-CGC).
La CFDT et la CFTC préfèrent garder la possibilité de maintenir quatre instances séparées, par accord collectif. La CGT ne semble pas s’opposer à la fusion, à condition que la future instance puisse ester en justice, une prérogative du ressort du CHSCT aujourd’hui.
- Sur les référendums à l'initiative de l'employeur :
Les PME le voient d'un bon œil, les syndicats n'en veulent pas et le Medef est réservé. Le projet de loi d'habilitation ouvre la voie à "une consultation des salariés pour valider un accord". La CPME souhaite qu'en l'absence de syndicats et d'instance représentative de personnel, une entreprise puisse adopter un accord par référendum.