Le bras-de-fer est loin d'être terminé. Redescendues dans la rue jeudi, les organisations syndicales opposées à la loi Travail ont reconnu qu'il s'agissait de la dernière manifestation, le texte de Myriam El Khomri ayant été promulgué au cœur de l’été. Mais ce n’est pas pour autant la fin de la mobilisation, il s’agit plus d’un changement de méthode : après avoir investi la rue, les opposants à la loi Travail vont désormais mener la bataille sur le terrain juridique.
"La mobilisation va changer de forme". La loi Travail à peine promulguée début août, ses opposants avaient prévenu : "le combat contre cette loi continue". Et la trêve estivale ne les a pas fait changer d’avis. Le "projet de loi n'était pas bon au printemps, la loi n'est pas bonne à l'automne (…) on va accentuer les recours juridiques en France et à l'international", a souligné Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, lundi sur Europe 1.
"On ne laisse pas tomber, la mobilisation va changer de forme", a confirmé jeudi Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière (FO). La bataille sera donc juridique et les syndicats mobilisés la préparent déjà. FO a ainsi fait appel à six juristes pour décortiquer la loi Travail afin d’identifier les recours possibles. Et ils sont nombreux.
Prud’hommes, QPC, CJUE : une bataille tous azimuts. "La méthode est de regarder la conformité de la loi Travail avec les textes nationaux et internationaux", confirme Didier Porte, secrétaire confédéral chez FO en charge des questions juridiques. Et ce dernier d’énumérer les voix de recours : "pour les accords d’entreprise, on se tournera vers le tribunal de grande instance. Pour les cas individuels, ce sera les prud’hommes et cela pourra aller jusqu’en Cour de cassation. On saisira aussi la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) si c’est possible pour contester la conformité de la loi avec la directive européenne ‘Temps de travail’ ou ‘informations consultation’", détaille-t-il.
"On va également regarder la conformité de la loi avec les textes de l’OIT (Organisation internationale du Travail). Le mandatement et le référendum d’entreprise servent à contourner les représentants syndicaux, on peut y voir une atteinte à la liberté syndicale. On peut aussi considérer que la loi, qui permet de repousser le temps de travail maximal, bafoue les droits fondamentaux à la santé et à la sécurité au travail", poursuit Didier Porte.
Sans oublier les désormais traditionnelles questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui permettent de vérifier si une mesure est conforme avec la Constitution. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Sages de la rue de Montpensier n’ont pas validé la loi Travail cet été : ils ne se sont prononcés que sur moins d’une dizaine d’articles et n’ont pas examiné le reste du texte. Or la loi Travail compte 123 articles et donc presque autant de motifs pour saisir le Conseil constitutionnel.
Un bras de fer qui pourrait durer des années. "C’est une panoplie très large, on ne pourra pas attaquer sur tous les fronts. Nous sommes en train d’établir des priorités", reconnaît Didier Porte. D’autant plus que la bataille ne sera pas que juridique : la CGT a déjà promis de bloquer tout accord permettant d’appliquer la loi dans les entreprises où elle est la première force syndicale. En associant le reste de l’intersyndicale (FO, FSU et Solidaires) à cette démarche, le nombre d’entreprises concernées pourrait grimper en flèche.
"C’est un combat de longue haleine, comme avec la loi sur la représentativité syndicale de 2008 : des contestations sont toujours en cours. Cela peut donc être très, très long", résume le secrétaire général de FO en charge des questions juridiques. Le dossier loi Travail est donc loin d’être refermé, et ce même si le gouvernement s’active pour publier les décrets d’application le plus vite possible, entre septembre 2016 et janvier 2017.