Il y a un peu plus d’un an, la loi Macron libéralisait le transport en autocar et suscitait les convoitises de nombreuses entreprises. Un an plus tard, certaines ont perdu de leur enthousiasme : Starshipper s’est fait absorbé par un concurrent et Megabus a annoncé vendredi qu’il n’avait plus aucune visibilité pour les mois à venir. Ces mauvaises nouvelles annoncent-elles pour autant la fin des "bus Macron" ?
Un secteur en plein essor. Un an après la libéralisation du secteur, un constat s’impose : le transport en autocars répond à un besoin avéré. En effet, 3,4 millions de billets ont été vendus au cours des onze premiers mois et, surtout, leur nombre augmente à un rythme de plus en plus soutenu. Le secteur a donc de bonnes chances de frôler les 4 millions de voyages fin août, comme l’a pronostiqué l'ancien ministre de l'Economie Emmanuel Macron.
Le nombre de villes desservies a également bondi en un an pour atteindre 193 fin juin. Le développement de ce secteur a aussi permis de générer 40 millions de chiffre d’affaires et, surtout, de créer 1.500 emplois, selon un décompte de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer).
Mais des acteurs déjà moins nombreux. L’ouverture du transport en autocar a donné lieu à une course de vitesse. Dès le mois d’août 2016, cinq entreprises se lançaient dans ce secteur, et pas des moindres : le numéro un britannique Megabus, le leader allemand Flixbus, la filiale de la SNCF Ouibus ou encore celle de Transdev, Isilines.
Un an plus tard, le paysage a sensiblement changé, avec le retrait des entreprises n’ayant pas réussi à percer : Ouibus a racheté Starshipper mi-juin et Isiline s’est rapprochée d’Eurolines. Quant à Megabus, il fait figure de grand perdant : n’ayant pas atteint une taille critique, il est devenu un sous-traitant de Flixbus fin juin. Las, il a annoncé le 9 septembre que ce contrat de sous-traitance allait bientôt prendre fin et qu’il n’empêcherait pas ses chauffeurs de partir pour la concurrence. 170 emplois sont en jeu d’après Megabus, même si une partie des salariés propose de racheter l'entreprise sous la houlette du directeur adjoint des opérations. Ce dernier a déposé lundi une offre de reprise des activités en France.
Mais des prix en voie de normalisation. Comme dans la plupart des secteurs qui s’ouvrent à la concurrence, les transporteurs ont entamé dès l’été 2015 une guerre des prix incarnée par les très symboliques billets à 1 euros. L’objectif était alors double : convaincre les consommateurs d’essayer ce nouveau type de transports, devenir le numéro un du secteur et affaiblir la concurrence, notamment les transporteurs les plus fragiles qui ne peuvent se permettre de perdre de l’argent pendant trop longtemps. Résultat, les consommateurs français profitaient début 2016 des tarifs d’autocar les moins chers parmi les pays développés. Autre indicateur illustrant cette guerre des prix, l’Arafer montrait fin mars que le bus était deux fois moins cher que le covoiturage : 3,2 euros pour 100 km, contre 6,5 euros en covoiturage.
Cette phase sera cependant bientôt révolue puisque la moitié des opérateurs ont jeté l’éponge, ouvrant la voie à une augmentation des tarifs, d’abord pour arriver à l’équilibre, ensuite pour gagner de l’argent. "Les prix augmenteront, parce qu’ils doivent correspondre à la réalité du coût de production", prévenait le directeur de Ouibus début août dans les colonnes du Journal du Dimanche. Outre le prix du voyage lui-même, certains avantages offerts de manière temporaire pourraient donc devenir payants : le deuxième bagage en soute ou encore le transport d’un animal de compagnie.
Mais une liste des villes desservies revue à la baisse. Après plusieurs mois d’expérimentation, les compagnies ont dressé un premier bilan et identifié les lignes qui n’étaient pas assez fréquentées. Résultat, Flixbus a annoncé début septembre qu’il suspendait les arrêts à Montluçon et Guéret, avec une possible réouverture pendant la période estivale. D’autres destinations pourraient disparaître ou n’être disponibles qu’en haute saison.
Les gares routières, la nouvelle priorité. Le transport en autocar a donc franchi un premier palier et se rapproche de son rythme de croisière. Mais un obstacle de taille risque de freiner cet essor : le manque de gares routières ou, quand elles existent, leur état de délabrement. Les sanitaires ne fonctionnent pas toujours, les commerces y sont rares et le manque de sécurité est souvent pointé du doigt. C’est donc la nouvelle priorité de tout le secteur, mais une question demeure : qui va régler l’addition ? Le gouvernement estime que ce sont aux transporteurs routiers de financer leur construction ou leur rénovation, mais n’a rien prévu dans la loi Macron pour les y obliger. En face, ces derniers estiment au contraire que cette mission revient aux communes afin de renforcer leur attractivité. Un an après la loi Macron, ce débat n’est toujours pas tranché.