Voilà plus d'une semaine que les éleveurs expriment leur colère. Blocages d'autoroutes, opérations escargot, manifestations, contrôle de camions étrangers... ils ne supportent plus les bas prix auxquels sont achetés leur lait ou leur viande et ne se satisfont pas du plan d'aide annoncé par le gouvernement mercredi dernier. Michel Barnier, ministre de l'Agriculture de 2007 à 2009 et commissaire européen au Marché intérieur et aux Services de 2010 à 2014, est venu mardi s'exprimer sur Europe 1 au sujet de cette énième crise qui frappe l'agriculture française.
Conserver le modèle agricole français. "La question agricole n'est pas seulement la question des agriculteurs mais aussi une question de société" puisque "les éleveurs, les pêcheurs, les agriculteurs entretiennent le territoire pour assurer une sécurité et une qualité alimentaire". "Le modèle français et européen, ce n'est pas le modèle américain", rappelle-t-il. Si on veut le conserver, il faut donc "faire attention à cette souffrance agricole".
Traiter l'urgence mais pas seulement. "Comme ancien ministre de l'Agriculture" dans le gouvernement de François Fillon, Michel Barnier estime qu'il y a trois niveaux de réaction à avoir actuellement face à la grogne des éleveurs français. "D'abord, l'urgence, c'est ce que va faire Stéphane Le Foll (le ministre de l'Agriculture, ndlr) avec des allègements de charges, des étalements de dettes", estime-t-il. "Ensuite, il y a de quoi réunir une conférence nationale sur l'économie agricole pour traiter de l'organisation des filières et faire en sorte qu'elles négocient avec plus de forces avec les distributeurs", explique l'ancien commissaire européen. Michel Barnier, au passage, pointe du doigts certains handicaps de l'agriculture française dont "le matraquage fiscal et réglementaire". Enfin, le troisième niveau est européen. "Comment ouvrir les marchés ? Comment évaluer correctement le coût de l'embargo avec la Russie pour en faire supporter équitablement le prix ?", interpelle Michel Barnier.
"Vérifier l'application des normes". Étendre à la viande la préférence nationale dont bénéficie désormais le lait ? Michel Barnier estime que les agriculteurs "ne veulent pas supprimer la concurrence". "On n'a pas intérêt à fermer nos marchés" mais les éleveurs ont raison de demander "une concurrence loyale et équitable", estime-t-il. Selon l'ancien ministre, les ministres européens doivent donc vérifier l'application des normes de l'Union européenne en matière phyto-sanitaires et sociales. "Je pense qu'elles ne sont pas appliquées de la même manière", juge Michel Barnier.