Les actionnaires de Nissan, réunis lundi à Tokyo, ont voté la révocation du mandat d'administrateur de Carlos Ghosn, coupant ainsi tout lien avec celui qui a sauvé et dirigé le groupe pendant près de deux décennies et se trouve aujourd'hui en prison.
Les "regrets" du patron exécutif. La direction du constructeur s'était empressée de destituer de la présidence le tout-puissant magnat de l'automobile juste après son arrestation initiale le 19 novembre, mais il fallait l'aval des actionnaires pour le démettre de son poste d'administrateur. Cette assemblée générale extraordinaire, qui a duré trois heures, s'est ouverte sur les "regrets" du patron exécutif, Hiroto Saikawa, et une longue révérence d'excuses de l'ensemble de l'équipe, selon la tradition japonaise.
"Un important jalon". "Il s'est passé quatre mois depuis l'événement de novembre, Nissan est à un moment critique (...) pour tirer un trait" sur cet épisode "et franchir une nouvelle étape dans la réforme de gouvernance", a lancé Hiroto Saikawa devant près de 4.200 participants, évoquant à plusieurs reprises "un important jalon". Cet ancien fidèle de Carlos Ghosn a redit son "choc" quand il a pris connaissance des résultats de l'enquête interne de Nissan, qui a mis au jour les malversations présumées, détaillées une nouvelle fois lundi.
Les doutes de certains actionnaires. Mais des actionnaires ont émis des doutes. "Je suis sûr que vous étiez au courant. Vous devez être tenu pour responsable !", s'est offusqué l'un d'eux. Hiroto Saikawa a reconnu "de sérieux problèmes" de gouvernance, "la peur des employés" qui n'osaient s'opposer à Carlos Ghosn, et a promis de passer la main une fois qu'il aurait "remis la compagnie sur la voie de la croissance".
Senard "très honoré". Outre le renvoi de Carlos Ghosn, l'AG a approuvé celui de son ex-bras droit Greg Kelly, inculpé sur un volet de l'affaire, et a entériné l'élection comme membre du conseil d'administration du président de Renault, Jean-Dominique Senard. "Je suis très honoré et à partir de maintenant, je consacrerai mon énergie à renforcer Nissan", a-t-il solennellement déclaré à la tribune.
De nouveau interpellé. L'AG se déroulait quelques jours après une nouvelle interpellation de l'ex-PDG de Renault-Nissan, désormais réduit au silence alors qu'il avait annoncé une conférence de presse pour le 11 avril. Certains membres de l'assistance ne se sont pas privés de condamner Carlos Ghosn, "mal absolu" selon un actionnaire.
Un autre a salué son rôle dans le redressement de Nissan, au bord de la faillite quand il est arrivé en 1999. "Cependant, quand la compagnie a renoué avec la stabilité, tout le monde a commencé à voir que quelque chose ne tournait pas rond. Il est devenu arrogant", a jugé Yasuo Kobayashi, 76 ans, ancien employé du groupe.
Détournements de fond chez Nissan ? Déjà inculpé à trois reprises, Carlos Ghosn est actuellement entendu par les enquêteurs du parquet de Tokyo sur des soupçons de détournement de fonds de Nissan. Sa femme Carole a, elle, quitté à la hâte le Japon où les procureurs voulaient, selon des médias locaux, l'interroger. Avant d'être renvoyé dans la prison du quartier de Kosuge dans le nord de Tokyo où il avait déjà passé plus de 100 jours, Carlos Ghosn n'a pas épargné Nissan. Il s'est redit victime d'un "complot" orchestré par des dirigeants du groupe nippon souhaitant empêcher un projet d'intégration plus poussée avec Renault. Une vidéo "désignant les responsables de ce qui lui est arrivé", selon son épouse, sera diffusée mardi.