La défense du fabriqué en France ne se limite pas à l’achat d’une marinière ou d’une voiture. Noël peut également être l’occasion de soutenir la production française et les consommateurs semblent vouloir jouer le jeu : 65% d’entre eux se déclarent prêts à acheter français, d’après un sondage réalisé pour l’Association des Créateurs Fabricants de jouets français (ACFJF). Mais les parents ne sont pas les seuls à choisir les jouets qui se retrouveront sous le sapin de Noël : les enfants ont plus que leur mot à dire et les professionnels du secteur savent déjà ce que ces derniers vont demander. Mais peut-on trouver du Made in France parmi les succès annoncés de Noël ?
Peu de jouets français parmi les blocksbusters annoncés. A deux mois de Noël, les professionnels du jouet ont déjà une idée très précise des produits qui rencontreront un grand succès : montres Yo-Kaï watch, figurines Pat’ la patrouille, cartes Pokemon, Lego Star Wars, pistolets Nerf, poupées Barbie DC Comics, jeu de société Bioviva ! ou encore le jeu Mâche-Mot. Mais trouver un jouet fabriqué en France parmi ces succès annoncés relève de la mission presque impossible.
En effet, parmi cette sélection réalisée par Europe 1 avec des professionnels du secteur, un seul produit est entièrement fabriqué en France : le jeu de société Bioviva !, conçu et produit par l’entreprise montpelliéraine du même nom. L’autre Français de cette sélection est l’entreprise Asmodee, mais avec un produit pas vraiment hexagonal : les cartes Pokemon, qu’elle adapte pour le marché français mais fait produire à l’étranger. Hormis ces exceptions, la grande majorité des produits phares de cette année sont produits en Asie du Sud Est et surtout en Chine : cette dernière produit 65% des jouets dans le monde, d’après l’ACFJF.
Pourtant, les fabricants français résistent encore. Si la Chine et ses voisins règnent donc en maîtres sur la production mondiale de jouets, les Français n’ont pas pour autant disparu. Une petite quarantaine d’entreprises continuent à concevoir et à produire des jouets en France, selon l’ACFJF. La Fabrique hexagonale en dénombre même une soixantaine en intégrant les fabricants de maquettes ou de jeux plus classique (jeux de cartes, de dames, échecs, backgammon, etc.).
Et les producteurs français ont même tendance à bien résister. "En dehors des deux cas spécifiques que sont Lego et Playmobil, il existe de moins en moins de producteurs en Europe. Et la plupart de ceux qui existent encore ont délocalisé leur production en Asie. En France, on n’a pas tout perdu, il existe encore des filières plastique, carton, bois, avec un vrai savoir-faire", confirme Serge Jacquemier, président de l’ACFJF et directeur général de l’entreprise Vulli, qui fabrique la célèbre girafe Sophie. Preuve que le Made in France n’est pas condamné, ce dernier arrive même à exporter ses produits dans 70 pays.
Les produits profitant d’un puissant marketing, point faible de la France. Mais alors pourquoi les marques françaises ont-elles tant de mal à figurer parmi les jouets les plus vendus à Noël en France ? Pour Franck Mathais, directeur de la communication de la chaîne de magasin La Grande Récré, "les marques françaises ne se sont pas positionnées sur les produits hyper tendances".
Ce type de jouets, qui monopolisent les ventes en fin d’année, est en effet la chasse gardée des géants du jouet que sont Mattel ou Hasbro. Et ces derniers ont changé leur façon de faire depuis longtemps : ils ne possèdent plus aucune usine et sous-traitent avec la Chine, concentrant tous leurs efforts sur le marketing. D’où la multiplication de jouets s’appuyant sur une franchise, qu’il s’agisse d’un dessin animé, d’un film ou d’une bande dessinée : des Barbie déguisées en Wonder Woman, des Lego Star Wars ou encore La Pat’ Patrouille. Sauf qu’utiliser de telles franchises suppose de verser d’importantes royalties et de dépenser beaucoup en marketing. "Quand un consommateur achète français, 70% de ce qu’il va payer correspond à la valeur du produit. Avec les produits des marques Hasbro ou Mattel, seul 20% du prix correspond au coût de production. Tout le reste, c’est du marketing", précise le directeur général de Vulli.
Les jouets français ont d’autres atouts. Outre les produits popularisés grâce au marketing, les fabricants français ne peuvent également pas rivaliser avec les premiers prix : là aussi, les jouets fabriqués en Asie du Sud-Est raflent la mise. Dès lors, comment les Français peuvent-il se faire une place ?
La première méthode est de copier les géants du secteur : concevoir en France et produire à l’étranger, surtout pour les produits nécessitant de l’électronique ou du tissu, deux domaines dans lesquelles la France n’est plus compétitive. "Les consommateurs pensent à l’usine, au processus industriel, rarement à la conception. C’est un autre imaginaire. Pourtant, Lansay, même si elle sous-traite en Chine, est une entreprise française avec une sensibilité française. Asmodee fait aussi fabriquer ses produits en Europe mais tout est conçu dans les Yvelines. Coroll fait également fabriquer ses poupées en Espagne, où il y a un vrai savoir-faire, alors que c’est une entreprise française", souligne Franck Mathais.
L’autre solution pour pouvoir fabriquer encore dans l’Hexagone ? Proposer "des jouets intemporels, de qualité, créatifs. Les jouets français se retrouvent d’une année sur l’autre, avec peu de marketing. Jeujura a une production qui date de l’après-guerre et est capable de se renouveler : il est dans tous les catalogues de jouets", détaille le président de l’ACFJF. Et ce dernier de citer également Smoby ou encore Falk, qui produit des tracteurs et des quads à pédales. "Nous avons des charges trop importantes, nous ne sommes pas compétitifs mais si, nous sommes créatifs, innovants, nous pouvons faire passer la pilule du prix", résume Serge Jacquemier. Sans oublier un autre atout de taille, la réactivité : "Nous sommes des producteurs de proximité, nous pouvons livrer jusqu’à la veille de Noël, là où les grandes marques passent leurs commandes en Chine dix mois à l’avance".