Le couperet de la liquidation judiciaire est tombé vendredi sur la société de livraison à domicile de produits alimentaires Place du Marché (ex-Toupargel) et ses sociétés sœurs, entraînant la suppression de 1.900 emplois, l'un des plus importants plans sociaux de ces derniers mois. Le tribunal de commerce de Lyon s'était donné 48 heures mercredi pour rendre son délibéré concernant cette société basée à Civrieux-d'Azergues (Rhône). Mais l'issue ne faisait guère de doute, car aucun repreneur n'avait déposé d'offre, malgré l'intérêt un temps manifesté par l'enseigne discount Tazita.
"Il n'y a aucun espoir de reprise"
Vendredi, le tribunal a ainsi placé en liquidation judiciaire Place du Marché (1.600 salariés) et ses deux sociétés sœurs, Eismann et Touparlog (300 salariés à elles deux), selon son délibéré que l'AFP a pu consulter. "Il n'y a aucun espoir de reprise", avait assuré mercredi Wafaa Kohily, la secrétaire (CGT) du Comité social et économique (CSE). "Notre priorité est de travailler sur la préparation de cette liquidation judiciaire et d'accompagner aux mieux avec les services de l'Etat les salariés pour qu'ils rebondissent le plus rapidement possible", avait affirmé de son côté le président de l'entreprise Brieuc Fruchon.
Le délai de 48 heures avait été justifié par le président du tribunal par "l'importance du dossier et le nombre de salariés du groupe", selon Mme Kohily. La liquidation va en effet entraîner un des plus importants plans sociaux de ces derniers mois, après celle de l'enseigne textile Camaïeu en septembre (2.100 salariés) et la suppression de 1.200 emplois (sur 2.300) annoncés fin décembre chez Scopelec, groupe spécialisé dans les technologies de communication.
La situation de Place du Marché s'est dégradée très rapidement
Le groupe avait demandé fin octobre son placement en procédure de sauvegarde, puis avait été placé en redressement judiciaire fin novembre 2022. "Une telle procédure en trois mois, en mettant 1.600 familles sur le carreau, c'est ubuesque!", a dénoncé Mme Kohily, épinglant au passage le "silence assourdissant des Bahadourian" sur ce dossier. Les deux frères Léo et Patrick Bahadourian, actionnaires de la florissante enseigne Grand Frais, ont repris Toupargel en 2020 via la holding Agihold France.
Ils "n'ont pas daigné" être à l'audience mercredi, a déploré la responsable syndicale. "Encore une fois, le capital de certains passent avant des vies brisées", a-t-elle ajouté, en soulignant que les syndicats réclamaient "100.000 euros par salarié de prime supralégale, vu le patrimoine des Bahadourian", classés 90e fortune de France en 2022 par le magazine Challenges.
Après sa reprise, Toupargel s'était rebaptisé Place du Marché en 2021, avec l'idée d'étendre sensiblement son offre au-delà du surgelé, vers les produits frais et l'épicerie. Certains produits distribués provenaient d'ailleurs des mêmes fournisseurs que Grand Frais.
Le projet visait aussi à accélérer les ventes en ligne, alors que l'entreprise a bâti son modèle sur les ventes par téléphone. Mais cette stratégie a échoué, alimentant une chute des ventes, passées de 271 millions d'euros en 2017 à 200 millions en 2021-2022. "La moyenne d'âge de notre clientèle est assez élevée, beaucoup ont plus de 70 ans et n'ont pas accès ou ne savent pas se servir d'internet. Le changement de nom l'a aussi perturbée", a expliqué Lise Delaizé, déléguée CGT et télévendeuse depuis 24 ans.
Et si la liquidation représente un vrai choc pour les salariés, elle affectera aussi, selon eux, une partie de la clientèle. "Pour beaucoup de gens, le livreur Place du Marché était la seule personne qu'ils voyaient dans la journée, surtout dans les zones rurales", racontait ainsi mercredi Lionel Massa, élu FO au CSE, lui-même livreur dans la région de Saint-Brieuc.