Emmanuel Macron veut venir à la rescousse de l’automobile. Le président de la République doit présenter mardi après-midi un plan pour relancer le secteur, fortement frappé par la pandémie de coronavirus, à l’image de Renault qui pourrait annoncer la fermeture de plusieurs sites en France. L’économiste Bernard Jullien est catégorique : l’industrie automobile joue "sa survie".
"Il y a des enjeux de survie. On a vécu plusieurs mois sans vendre du tout, ni fabrication, dans un secteur qui n’est pas hyper profitable. La plupart des acteurs, les constructeurs comme les équipementiers et les sous-traitants, sont dans une situation financière très problématique. Il y a de fortes attentes sur ce plan", a jugé le spécialiste du secteur automobile, lundi soir sur Europe 1.
"Un coup de pouce" pour relancer la demande
Le marché français des voitures neuves s'est effondré de plus de 70% en mars et de près de 90% en avril. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué que le plan allait "relancer la demande", une mesure jugée indispensable par Bernard Jullien. "Il va y avoir un soutien à la demande pour permettre aux commerces d’automobiles de survivre. Le secteur a des dizaines de milliers de voitures en stock, ce sont des voitures qui ont vieilli, et même en les bradant on n’est pas sûr de les vendre. Un coup de pouce est attendu pour résorber ce problème, qui est un problème de survie pour les PME du commerce automobile", commente l'économiste.
Mais ces mesures pourraient se révéler insuffisantes, prévient-il. "Il faudra épuiser ce stock-là pour qu’il y ait à nouveau des commandes aux usines. Il y a quelques semaines, Volkswagen a rouvert ses usines mais les a vite refermées parce qu’il n’y avait pas assez de commandes."
En profiter pour "exiger des constructeurs que l'électrification se fasse le plus possible en France"
Les constructeurs, Renault en tête, devraient également être fortement incités à accélérer le virage vers la voiture électrique. Mais Bernard Jullien alerte : "Le secteur a énormément souffert depuis 20 ans des délocalisations. Aujourd’hui, on s’apprête à faire une mutation vers l’électrique, qui est plutôt synonyme de pertes d’emploi. Si on conjugue les deux phénomènes, la poursuite des délocalisations et l’électrification, il ne restera plus grand-chose de l’emploi."
Pour autant, la voiture électrique peut offrir de gros débouchés pour l'industrie française. "Puisque les industriels demandent beaucoup d’aide à l’Etat pour pousser les entreprises et les ménages à acheter des voitures électriques, il y a une fenêtre de tir. On peut lutter contre les délocalisations et continuer l’électrification. Profitons-en pour exiger des constructeurs que l’électrification se fasse le plus possible en France. Ce deal est en train de prendre consistance avec Renault. Chez PSA, qui va bien, ce sera plus compliqué."
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Le secteur automobile pourrait baisser jusqu'à 40%
Mais quelles que soient les mesures annoncées par Emmanuel Macron, il reste de nombreuses inconnues pour relancer le secteur. "On est face à une crise inédite. Savoir quelle sera l’appétence des ménages et des entreprises reste une incertitude très lourde. En économie, on a une règle en tête : quand le PIB baisse d'un point, la demande en automobile baisse de 4 points, puisque c'est un bien sur le long terme dont on peut reporter l'achat. Si le PIB chute de 10 points, le secteur automobile pourrait baisser de 40%, c’est énorme", estime l'économiste, qui constate que "l'industrie automobile" a "déjà beaucoup perdu ces dernières années".
"L’industrie automobile perd des emplois chaque année et est très déficitaire sur le plan commercial. On a aujourd’hui un paradoxe : on n’est pas sûr à Bercy que défendre les sites en France et les entreprises françaises soient la même chose. Ce que va raconter Renault vendredi, lors de son plan de restructuration, sera l’inverse de ce que voudra dire Macron. Renault va dire qu’il a besoin de perdre des emplois pour se relancer", conclut le spécialiste du secteur automobile.