C’est une pratique longtemps adoptée par les hypermarchés pour empêcher qu’on ne vienne fouiller leurs poubelles. L’époque où les grandes surfaces "javellisaient" leurs invendus semble pourtant révolue : selon une étude d’Ipsos pour le cabinet spécialisé Comerso, 94% des 164 magasins interrogés à la fin de l’année 2017 ont déclaré donner leurs invendus à des associations, manière de permettre une redistribution efficace des aliments. Mais la grande distribution a-t-elle revu ses pratiques en matière de protection de l'environnement ?
L’émission Circuits Courts a consacré vendredi 1er juin un numéro spécial sur le thème : "Comment faire nos courses autrement ?" Autour d’Anne Le Gall et Maxime Switek, Vincent Justin, co-fondateur de l’épicerie anti-gaspi "Nous", et Fanny Vismara, initiatrice du mouvement "Plastic Attack" en France, débattront des solutions pour rendre nos courses plus écologiques.
Qu’a changé la loi contre le gaspillage ?
Dans ce domaine, il y a un avant- et un après-11 février 2016, date de l’entrée en vigueur de de la loi contre le gaspillage alimentaire. "En généralisant les dons alimentaires des grandes et moyennes surfaces vers les associations caritatives habilitées, et en interdisant la destruction volontaire de denrées consommables, cette loi a donné un cadre réglementaire" à cette lutte, défend aujourd’hui le député Guillaume Garot, qui a porté le texte.
Depuis deux ans, les grandes surfaces risquent une sanction si elles rendent "délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables". Votre supermarché encourt une amende de 3.750 euros s’il met de l’eau de Javel sur les invendus jetés. Voilà pour le bâton. Mais donner à des associations caritatives a aussi sa carotte : les entreprises bénéficient pour ces dons d’une réduction d’impôt à hauteur de 60%.
Les promotions, une vraie solution ?
Une application permet même de repérer les grandes surfaces qui ont des invendus disponibles pour les associations, avec la possibilité pour ces dernières de les contacter pour récupérer les produits. Seul bémol : dans bon nombre de zones, beaucoup de grandes surfaces que recense The Food Life (disponible sur iOS et Android) ne distribuent pas leurs invendus.
Outre le don, les grandes et moyennes surfaces ont adopté d’autres mesures contre le gaspillage, au premier rang desquelles les promotions pour les produits dont la date limite de consommation (la fameuse "DLC") arrive à grands pas. Selon l’étude d’Ipsos pour Comerso, 92% des magasins visités procèdent à un "stickage" des produits à dates courtes avec plusieurs avantages avancés par ces commerçants : diminuer la casse (98%), sauvegarder une partie des marges (74%) ou encore satisfaire la clientèle qui est en demande (63%). Les deux tiers des magasins pratiquent le stickage depuis plus de trois ans, preuve que la loi n’a pas initié le mouvement, mais l’a amplifié.
Autrefois dénigrés, les fruits et légumes peu esthétiques ("moches", selon Auchan ou Intermarché) ont été mis en lumière par des publicités avantageuses vantant plus leur qualité nutritive que leur aspect. Toujours côté fruits et légumes, l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (Ademe) préconise de mettre fin au libre-service, manière d’éviter une surmanipulation et donc une détérioration des produits par les clients, ce qui peut inciter à se débarrasser plus rapidement des aliments. La tâche est encore immense, car les Français jettent chaque année l’équivalent de 16 milliards d'euros de nourriture.
Le plastique, toujours problématique
Courgettes emballées individuellement, barquettes de tomates doublement protégées… La donne est plus compliquée pour le plastique : la grande distribution pratique encore le suremballage, alors même que la conservation des produits ne l’impose pas toujours. C’est contre cette "overdose" de plastique que la première "Plastic Attack" de France est organisée samedi : les clients de supermarchés un peu partout dans le pays sont invités à retirer l’emballage inutile de leurs courses. Car comme Greenpeace le rappelle, 90% du plastique n’est aujourd’hui pas recyclé, tandis que les océans pourraient contenir plus de plastique que de poissons d'ici à 2050.