"L'une au moins de vos collectivités locales ayant augmenté son taux ou supprimé des avantages vous concernant, votre gain est réduit de X euros." C'est ce que découvrent ces jours-ci les habitants de quelque 6.000 communes françaises - soit plus d'une sur six - sur leur avis de taxe d'habitation. La baisse de 30% de cet impôt, promise par le gouvernement à la majorité des ménages, est bien entrée en vigueur. Mais dans certaines villes, les contribuables se plaignent de ne pas la constater intégralement. À qui la faute ? "Il y a quelques communes qui ont augmenté les taux de manière discutable", a répondu le ministère des Comptes publics Gérald Darmanin, vendredi, renvoyant la balle aux élus locaux. Ces derniers invoquent une situation plus complexe.
Comment est calculée la taxe d'habitation ?
L'impôt est centralisé par l'Etat, qui le reverse ensuite aux collectivités pour financer les services publics au niveau communal, comme les cantines, les équipements sportifs, le ramassage des ordures ou encore la voirie. Payée par les propriétaires et les locataires, la taxe d'habitation est calculée en deux étapes. D'abord, la direction générale des finances publiques l'établit en fonction, notamment, de la taille du logement et du quartier où il se trouve. Ensuite, elle est multipliée par un taux d'imposition, que les collectivités territoriales votent chaque année. Comme le relève Franceinfo, la somme ainsi prélevée représente en moyenne un tiers des recettes des communes, avec d'importantes disparités - 10% seulement dans certaines villes, 50 dans d'autres.
Que change sa suppression ?
Pour les villes, c'est une source de revenus importante qui s'amenuise puis disparaîtra - la taxe doit baisser par paliers chaque année jusqu'à être supprimée à l'horizon 2021. Le gouvernement a promis une concertation pour compenser ce manque à gagner et envisage notamment de verser l'intégralité de la taxe foncière aux communes et aux intercommunalités, sans qu'aucune décision ne soit pour l'instant arrêtée.
Du côté des contribuables, la réception de l'avis d'imposition s'est parfois faite dans la confusion. En lisant le message qui l'accompagne, certains ont commencé à faire circuler le hashtag #balancetonmaire sur les réseaux sociaux, jeudi, dénonçant le fait de ne pas bénéficier intégralement des 30% de réduction. "Le dégrèvement est calculé en prenant en compte les taux votés par les collectivités en 2017", confirme un document officiel diffusé par le gouvernement. "Ainsi, si votre collectivité décide d'une hausse du taux de taxe d'habitation en 2018, seule la part de taxe d'habitation calculée à partir du taux de 2017 sera dégrevée. "Je dis merci aux 30.000 maires qui ne l'ont pas augmentée", s'est contenté de commenter Edouard Philippe, vendredi. "Seules 55 communes de plus de 10.000 habitants ont voté des augmentations de taxe d'habitation", a de son côté noté Gérald Darmanin dans Le Figaro, citant nommément certaines d'entre elles comme Chantilly, Rambouillet ou Sceaux. "C'est la preuve que l'immense majorité des élus a confiance dans le gouvernement pour leur verser la compensation à l'euro près à laquelle nous nous sommes engagés
Comment se défendent les maires ?
"Le gouvernement veut faire porter la casquette aux communes lorsque la baisse annoncée n'est pas au rendez-vous", a dénoncé le maire de Sceaux Philippe Laurent (UDI) auprès du Parisien, affirmant que sa ville, où le taux a augmenté de deux points, n'avait "pas d'autre choix pour maintenir le niveau de service et les investissements". Interrogé par Europe 1, André Laignel (UDI), premier vice-président de l'Association des maires de France (AMF), estime lui que le débat n'est pas nouveau, les collectivités devant régulièrement augmenter le taux "parce qu'il y a des besoins, parce qu'il y a des gros investissements qui ont été faits antérieurement et qui nécessitent des moyens". Maire d'Issoudun, dans l'Indre, l'édile n'a pas eu recours à ce levier depuis quinze ans, notamment grâce aux ressources provenant des entreprises installées sur son territoire. "Mais je dis que c'est ma liberté, si j'en avais eu besoin, je l'aurais fait. (...) L'essentiel de la modernisation a été faite et je peux gérer de manière plus souple. Mais il est des années, antérieurement, où j'ai augmenté et augmenté très fortement ce taux."
"Ils ne l'ont pas fait pour le plaisir. Ils l'ont fait à visage ouvert, en Conseil municipal", poursuit le premier vice-président à propos des maires pointés du doigt, jugeant "scandaleux" qu'un "appel à la délation" soit organisé sur les réseaux sociaux. "Si l'Etat avait décidé de faire un cadeau fiscal en prenant sur un impôt d'Etat, nous ne serions pas dans cette situation", souligne-t-il. "Le gouvernement, en permanence, nous demande de répondre à des problématiques nouvelles. Il nous demande de faire des efforts considérables sur la sécurité, de créer des lits de crèche, de mettre à jour les équipements de nos écoles… Et dans le même temps il nous étouffe financièrement en baissant nos moyens."
Philippe Laurent offre lui une "consolation" au gouvernement dans le Parisien, estimant que la baisse de la taxe d'habitation "sera plus visible l'an prochain". La raison ? "De nombreuses communes n'augmenteront pas leur taux une année précédant les élections municipales."