C'est une réunion qui pourrait sceller le sort de la seule femme à la tête d'une entreprise du CAC 40. Le conseil d'administration d'Engie se réunit en session extraordinaire, jeudi pour obtenir la tête d'Isabelle Kocher, et mettre fin à un feuilleton qui déstabilise le groupe français depuis maintenant plusieurs mois. Europe 1 revient sur cet épisode et vous en livre les tenants et les aboutissants.
Des "résultats honorables", moins bons que la concurrence
"Femme brillante", selon l'éditorialiste et spécialiste économique Nicolas Beytout, Isabelle Kocher dirige un "mastodonte issu de la fusion entre GDF et Suez, qui pèse 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et 150.000 salariés dans 80 pays". Malgré des "résultats honorables" et une stratégie "plutôt validée", la directrice générale est critiquée pour l'exécution de ses directives et pourrait donc ne pas être reconduite à la fin de son mandat, en mai prochain.
Là où le bât blesse, c'est que les concurrents du fleuron français "font beaucoup mieux, et que leurs cours de Bourse caracolent là où les actions d'Engie patinent depuis des années", explique le spécialiste. "Elle a laissé se creuser un fossé entre elle et son conseil d’administration, c’est-à-dire entre elle et ceux qui représentent les actionnaires, les propriétaires de l’entreprises. Et perdre la confiance de son Conseil d’administration, c’est toujours destructeur." commente Nicolas Beytout.
Une politisation de l'affaire...
Cette "bataille souterraine, qui aurait dû le rester", a également pris une tournure politique ces derniers jours du fait de la directrice générale : en choisissant de médiatiser l'affaire, "de donner des interviews pour dire qu'elle ne doit pas être remplacée, ou encore d'en appeler à Emmanuel Macron", Isabelle Kocher a fait éclater l'affaire au grand jour. Si elle s'est attirée la sympathie d'une cinquantaine de personnalités, dont certains responsables politiques comme Yannick Jadot, Xavier Bertrand, Anne Hidalgo ou encore Cédric Villani, dans une tribune publiée au journal Les Echos, "elle a pris à témoin par la même occasion l’opinion publique contre son conseil d’administration, du jamais vu".
...qui pourrait se retourner contre elle
Mais "l'arme politique pourrait bien se retournée contre elle" dès jeudi, précise notre éditorialiste, puisque l'État, actionnaire à hauteur de 24% du groupe, siège dans ce conseil d'administration et possède une voix déterminante. Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, qui voient que les résultats sont en baisse, pourraient donc voter contre Isabelle Kocher. Une décision qui pourrait en dire long sur l'avenir d'Engie, alors que l'État s'est donné la possibilité de baisser sa participation au capital, dans le cadre de la loi Pacte, ravivant l'hypothèse, démentie par le président d'Engie, d'un démantèlement du groupe auquel s'est fermement opposée...Isabelle Kocher.
Si Bruno Le Maire a assuré pour sa part à l'AFP mardi que la décision sera prise "uniquement et exclusivement au regard de (...) critères économiques", reste qu'il ne sera pas évident d'assumer politiquement d'appuyer l'évincement de la seule femme du CAC 40.