Etat et syndicat fustigent un montant indécent au regard des salaires des employés et des difficultés récentes de l’entreprise.
Il n’est ni le premier ni le dernier patron du CAC40 à déclencher un tollé à l’annonce du montant mirobolant de son salaire. Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën, a vu le sien quasiment doubler en 2015, pour atteindre les 5,24 millions d’euros. Dans le détail, celui qui a pris la tête du constructeur automobile français en 2014 a touché 3,23 millions d’euros de salaire et un peu plus de 2 millions d’euros sous forme d’actions, que le dirigeant ne pourra toucher qu'en 2019, sous certaines conditions.
L’écart avec les salariés est énorme. Pour justifier cette somme rondelette, le conseil de surveillance de PSA, qui a voté le salaire de Carlos Tavares, invoque les bons résultats du groupe. En 2015, celui-ci a été bénéficiaire pour la première fois après quatre années dans le rouge. Son résultat opérationnel a triplé par rapport à 2014, porté par la croissance de sa division automobile. Le salaire de Carlos Tavares est donc "la rémunération de la réussite", a expliqué le patron du Medef, Pierre Gattaz, mardi sur France Info.
Mais les syndicats notent que ces bons résultats ne sont pas uniquement imputables à la tête de l'entreprise. Interrogé sur BFM TV dimanche, le secrétaire général du syndicat CFDT, Laurent Berger, a souligné que "PSA se redresse, tant mieux. Mais c'est aussi grandement grâce aux efforts des salariés et à la richesse créée par les salariés." Or, en 2015, "les salariés ont eu une augmentation générale de 8 euros nets par mois, que ce soit pour les ouvriers ou les techniciens", a réagi au micro d'Europe 1 Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT. Ces derniers ont également touché une prime de 2.000 euros en moyenne, dont près de 700 euros au titre des résultats de l'entreprise.
PSA se redresse mais les efforts ne sont pas terminés. Durement touchée par la crise du secteur automobile depuis 2011, la marque au lion avait vu le cours de ses actions chuter drastiquement, plusieurs projets de fusion ou de rapprochement avec d'autres constructeurs tomber à l'eau et la faillite s'approcher dangereusement. A partir de 2014, Carlos Tavares a présenté un plan pour sortir l'entreprise de la tourmente, "Back in the race" ("de retour dans la course"). Celui-ci avait demandé de gros efforts aux salariés, notamment d'importante diminution d'effectifs.
Et cela a payé. Pour le président du conseil de surveillance de PSA, Louis Gallois, Carlos Tavares a réussi à opérer un redressement du groupe "beaucoup plus rapide qu'escompté" et mérite donc une récompense. Reste qu'après "Back in the race", les salariés doivent se préparer à un second plan, destiné à consolider les résultats et le positionnement de PSA. Intitulé "Push to pass", du nom d'un dispositif permettant aux voitures de course une forte accélération pour dépasser les concurrents, celui-ci sera présenté lundi prochain.
L’Etat s'y oppose. Actionnaire minoritaire de PSA, l'Etat n'est pas favorable à l'augmentation de la rémunération de Carlos Tavares. Ses deux représentants au conseil de surveillance ont d'ailleurs voté contre et le ministre des Finances, Michel Sapin, a estimé mardi que cette hausse de salaire était "dommageable" "à un moment où l'effort est nécessaire". Le gouvernement n'a aucun levier d'action concret, puisque l'Etat ne détient que 14% de participation au sein de PSA, et ces protestations restent symboliques.
Mais elles ont d'autant plus d'écho que le gouvernement était venu au secours du groupe automobile au moment où celui-ci en avait le plus besoin. Début 2014, il avait injecté 800 millions d'euros dans l'entreprise moribonde pour en devenir un actionnaire minoritaire, pendant que le chinois Dongfeng en faisait autant. Voir Carlos Tavares se soustraire aux recommandations du gouvernement, qui demande depuis plusieurs années aux dirigeants des entreprises dont il est actionnaire minoritaire de baisser leurs émoluments de 30%, est donc accueilli avec amertume. Mais sans surprise, puisqu'il est loin d'être le seul à ignorer les consignes de l'exécutif. Carlos Ghosn, chez Renault, et Thomas Enders, chez Airbus, ont fait de même l'année dernière.