"Nous avons vu cette peur du lendemain, mais aussi la volonté d'exercer un métier qui est bien plus qu'un métier: être éleveur, c'est sacrifier beaucoup (...) et contribuer à la mission unique de nourrir les Français". A l'image de la tirade de Manuel Valls à l'issue du Conseil des ministres de mercredi, tout l'exécutif se mobilise pour tenter d'apaiser la colère des éleveurs. François Hollande a lui même rencontré des représentants, mi-juillet à Dijon.
Même Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, a pris un vol pour Athènes, "marché important" pour les agriculteurs tricolores, pour tenter de relancer la machine à exportation. Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a pour sa part détaillé un plan d'urgence, comprenant des allégements de dette, des nouvelles négociations sur les prix ou encore le déblocage de fonds pour promouvoir la langue française.
>> Malgré tout, comme nous le détaillons ici, de nombreux agriculteurs continuent leurs blocages. Pourquoi ?
Ce que contient le plan d'urgence. Le premier volet du plan comprend des mesures d'urgence, notamment la poursuite des négociations engagées pour faire remonter les prix payés aux éleveurs, afin qu'ils puissent couvrir leurs coûts de production. Le 17 juin, les professionnels s'étaient engagés sur des objectifs de hausse des prix qui n'ont pas été atteints, notamment pour la viande bovine.
Ensuite, l'Etat va débloquer plus de 600 millions d'euros pour soulager les problèmes de trésorerie. Cela prendra la forme de 100 millions d'annulations de charges et cotisations et de 500 millions de reports. L'enveloppe comprend cependant 150 millions d'avances de remboursement de TVA, de toute façon dus aux agriculteurs, rappelle la FNSEA, premier syndicat agricole.
Autre mesure phare: la restructuration des dettes à moyen et long terme, qui pèsent énormément sur le secteur. L'Etat va négocier avec les banques, et porter le fonds d'allègement des charges (FAC) de 8 à 50 millions d'euros. La Banque publique d'investissement (BPI) pourra garantir jusqu'à 500 millions d'euros de crédit bancaire de trésorerie aux entreprises du secteur.
Un plan jugé "insuffisant" et trop flou. La réaction de la puissante FNSEA a été très circonspecte : le plan comprend "beaucoup de dispositifs déjà actés" et les mesures restent "insuffisantes" sur le long terme, a déclaré le président Xavier Beulin. "Le plan d'urgence? Si on fait une division simple, c'est 100 euros par exploitant. Les gens attendent d'autres signes que ça, il faut du prix. (...) A voir l'état des troupes, ils sont prêts à tout", a renchéri Thierry Merret, président de la FDSEA Finistère et porte-parole des "Bonnets rouges". "Les annonces d'aujourd'hui sont un premier pas mais c'est du saupoudrage, on veut une action sur les prix", explique Adrien Bourlez, président des Jeunes Agriculteurs (JA) de Rhône-Alpes. En clair, les éleveurs demandent du concret dans le respect de l'accord du 17 juin, là où le gouvernement ne fait que relancer les négociations.
En outre, sur la question de leurs dettes, les éleveurs demandent une action plus claire. "Nous voulons plus d'explications sur le plan de désendettement. On ne veut plus entendre parler de prêts de consolidation, mais que les échéances soient reportées", a réagi Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB).
Pour rappel, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, estimait vendredi dernier que 10% des exploitations d'élevage étaient "au bord du dépôt de bilan".
Les éleveurs veulent que les coupables paient. Si les éleveurs manifestent encore, c'est aussi pour faire pression sur ceux qui refusent encore de leur payer leurs produits au juste prix, défini le 17 juin. Distributeur, industriel… qui ne joue pas le jeu ? Le médiateur des prix agricoles, qui a remis un rapport au ministre, a rendu ses conclusions publiques mercredi, concernant la viande bovine (le rapport ne s'est pas penché sur le lait, dans le secteur porcin, l'accord sur les prix est plutôt respecté et le secteur volailler n'est pas en crise).
Verdict : ce sont les abatteurs qui sont pointés du doigt. Les abatteurs ont "augmenté leurs prix" mais sans aller jusqu'aux 5 centimes par kilo et par semaine prévus, en se concentrant "sur les seules races à viande" au détriment des vaches laitières, explique le médiateur dans son rapport.
La réaction des éleveurs ne s'est pas faite attendre. Le président de la Fédération nationale bovine (FNB) Jean-Pierre Fleury a prévenu mercredi que les éleveurs "règleraient leur cas en direct" à ceux qui ne respecteraient pas l'accord. "Il y a deux façons de faire, soit ces entreprises là sont déréférencées par la grande distribution et seront obligées de se remettre de la ligne de l'accord, soit on règlera leur cas en direct avec les éleveurs", a-t-il prévenu.