C’est désormais officiel, la Grèce a demandé mercredi une nouvelle aide au reste de la zone euro. Athènes espère obtenir un nouveau prêt sur trois ans mais aussi négocier un effacement partiel de sa dette. Si la plupart des économistes estiment qu’une telle restructuration de la dette est indispensable pour espérer qu’Athènes la rembourse un jour, cet argument est totalement inaudible dans de nombreux pays. Notamment en Allemagne, qui multiplie les déclarations acerbes, mais aussi dans de nombreux "petits" États qui refusent catégoriquement ce qui est perçu comme un nouveau "cadeau" à la Grèce, au risque de provoquer un Grexit. Mais pourquoi tant d’intransigeance ?
Ces États partisans d’une ligne dure vis-à-vis d’Athènes. Au fur et à mesure que les négociations entre la Grèce et le reste de la zone euro s’enlisaient, des voix discordantes n’ont cessé de prendre l’ampleur. Après la Slovaquie, une bonne partie des derniers États ayant rejoint la monnaie commune – ou qui s’apprêtent à le faire comme la Pologne – ont haussé le ton pour dénoncer la situation privilégiée dont bénéficierait la Grèce vis-à-vis d’eux. Pour comparer ces Etats, nous avons donc décidé de nous pencher sur les États les plus virulents vis-à-vis d’Athènes et dont le niveau de vie est proche ou inférieur à celui de la Grèce. A savoir des pays de la zone euro (Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Portugal) ou qui devraient l’intégrer en vertu des traités européens (Pologne, République Tchèque).
Des États passés par de sévères cures d’austérité. La Grèce n’est pas seule dans son malheur, loin de là. L’onde de choc provoquée par la crise des subprimes, devenue une crise de la dette en Europe, a en effet touché de nombreux pays : les pays baltes dès 2008, l’Espagne, l’Irlande et la Grèce en 2009, suivies par le Portugal en 2011 et Chypre en 2012. A titre d’exemple, le PIB de la Lettonie a chuté de 25% au cours des années 2008-2009.
Qu’ils aient fait appel au FMI ou aux dispositifs d’aide d’urgence européens (Fonds européen de stabilité financière et Mécanisme européen de stabilité financière), voire au soutien de la Banque centrale européenne (BCE), tous ont dû accepter de difficiles contreparties : réduction des dépenses publiques, réforme du marché du travail pour instaurer plus de flexibilité, coup de rabot sur les retraites, etc. Or tous ces pays ont achevé les difficiles réformes exigées en échange de cette aide d’urgence… à l’exception de la Grèce, qui a ainsi dû faire une croix sur la dernière tranche du deuxième plan d’aide. A leurs yeux, Athènes n’a pas joué le jeu et ne peut donc demander aujourd’hui un régime de faveur.
Des Etats au niveau de vie inférieur à la Grèce. Si ces pays se veulent intransigeants vis-à-vis de la Grèce, c’est pour une question de principe mais aussi de niveau de vie. Un argument que plusieurs gouvernements ont invoqué, expliquant qu’ils auraient du mal à faire une croix sur l’argent prêté aux Grecs alors que leurs propres concitoyens vivent moins bien.
Une affirmation que confirment les chiffres d’Eurostat, qu’il s’agisse de richesse moyenne, de revenus ou de retraite. Alors que le PIB par habitant oscille entre 10.600 et 13.100 euros dans les pays baltes, il atteint 17.000 euros en Grèce après déjà quatre années de crise. A titre de comparaison, il atteint 31.100 euros en France.
Même constat du côté du revenu médian, plus pertinent que le revenu moyen : alors qu’il s’établit à 640 euros mensuels en Grèce, il est inférieur dans tous les autres pays cités, à l’exception du Portugal (681 euros) et de la République Tchèque, qui dépasse le Portugal d’un euro.
L’autre argument invoqué pour dénoncer la gabegie grec concerne les retraites. "J'ai entendu dire que certains retraités grecs touchaient plus de 1.000 euros par mois. C'est outrageant. Je refuse de payer leurs dettes s'ils gagnent des fortunes comparé à mon salaire", s’indignait Martina Lelovicova, une serveuse à Bratislava interrogée par l’AFP. Il est cette fois-ci plus difficile de répondre à cette question, tant les chiffres disponibles sur le niveau des pensions sont contestés, surtout en Grèce.
Il est en revanche possible de comparer les taux de remplacement dans chaque pays, c’est-à-dire la comparaison entre le niveau de rémunération d’une personne lorsqu’elle est active et le niveau de pension une fois qu’elle est à la retraite. A titre d’exemple, avec un taux de remplacement de 60%, une personne qui gagnait 100 euros en tant qu’actif touchera 60 euros à la retraite. A ce petit-jeu, la Grèce est une nouvelle fois mieux lotie que ses détracteurs, à l’exception de la Slovaquie qui la dépasse d’un point.
Autre indice du traitement réservé aux retraités : la part du PIB qu’un pays consacre à ses dépenses de pension. Là aussi, la Grèce se montre bien plus généreuse que ses voisins en y consacrant 17,5% de son PIB, alors que la France – dont le système de protection sociale est très développé – n’y consacre que 15,2%. Athènes a d’ailleurs été brocardée à de nombreuses reprises pour privilégier ses retraités au détriment de ses jeunes et de ses actifs.
Une intransigeance qui a aussi des origines politiques. Dans cette triste course au moins disant, les "petits" de la zone euro ont donc de solides arguments pour ne plus vouloir participer au sauvetage de la Grèce. Mais paradoxalement, ce sont les deux Etats les plus proches d’Athènes en termes de niveau de vie qui sont aussi les plus virulents : la Slovaquie et le Portugal. Leurs dirigeants sont coincés par d’autre impératifs : en Slovaquie, le précédent gouvernement a sauté à cause de son soutien au sauvetage grec, obligeant la nouvelle équipe à la plus grande intransigeance. Pour ce qui est du Portugal, le gouvernement conservateur voit d’un très mauvais œil l’essor de Syriza, d’autant qu’une autre formation similaire, Podemos, a réalisé un percée spectaculaire chez le voisin espagnol.