Depuis quelques semaines, consommateurs et distributeurs observent une raréfaction du beurre. Certains parlent déjà de pénurie et s'inquiètent pour les produits de fêtes de fin d'année comme les bûches et les feuilletés traditionnels. Europe 1 fait le point sur ce beurre devenu denrée rare.
Doit-on s'attendre à une véritable pénurie de beurre ?
De plus en plus de rayons frais réservés aux plaquettes de beurre sont vides depuis plusieurs semaines dans plusieurs régions de France comme la Franche-Comté, la Normandie, la Bretagne ou encore le Centre-Val-de-Loire. Les barquettes sont remplacées par des affichettes expliquant que le produit n'est plus disponible.
Des grandes surfaces reconnaissent qu'elles ont des difficultés à s'approvisionner. "Nous sommes livrés au compte-gouttes", explique le responsable du frais libre-service dans un hypermarché de Dury près d’Amiens au journal Le Courrier Picard (édition abonnés). "Chaque jour nous passons nos commandes mais nous ne recevons pas tout. Il y a des écarts de livraisons et toutes les marques sont touchées."
Une pénurie qui provient aussi de l'inquiétude des consommateurs. Face à la raréfaction du beurre, certains en achètent plus que coutume. Ils le stockeraient même dans leur congélateur pour être sûrs d'en avoir suffisamment pour les fêtes de fin d'année.
En revanche, ce début de pénurie devrait se résorber naturellement après l'hiver puisque le beurre est un produit saisonnier. C'est pendant l'hiver que les vaches ont leurs petits, elles produisent donc moins de lait pour l'industrie, ce qui ne sera plus le cas au printemps, rappelle RTL.
Quelles peuvent être les conséquences de ce début de pénurie ?
Les professionnels de la production de produits laitiers tentent de rassurer. Si Christian Vabret, président de la confédération européenne de la boulangerie pâtisserie, assure à La Montagne que son secteur ne devrait pas manquer de beurre pour les fêtes de fin d'année , les prix devraient effectivement augmenter cette année. "Les prix avaient déjà augmenté de 45% entre 2015 et 2016 et ils ont encore flambé de 50% depuis le mois de juin."
Quant à répercuter cette hausse de la matière première sur les produits transformés, le professionnel assure que depuis deux ans, le prix des croissants et des brioches a très peu augmenté. Néanmoins "pour les bûches et les galettes, il est est évident qu'il y aura une incidence sur les prix mais la hausse restera raisonnable", reconnaît-il.
Par ailleurs, cette hausse du prix des matières premières mettrait en danger des emplois qui en dépendent. C'est le cas d'une entreprise du Cher, spécialisée dans la fabrication de pâtes (feuilletées, brisées, sablées) haut de gamme, rencontrée par France 3, qui a dû mettre la majorité de ses 10 employés au chômage partiel depuis deux semaines.
Quelles sont les causes de cette situation ?
Tout d'abord la demande mondiale en beurre a explosé ces dernières années. "Il est de plus en plus demandé dans les économies émergentes, comme la Chine et le Moyen-Orient", détaille Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières auprès de RTL. Or même si l'offre peine à répondre à la demande, il est tout de même plus intéressant pour un producteur de lait de vendre sur le marché international, selon le spécialiste.
"Aujourd'hui un industriel français a plus intérêt à commercialiser du beurre avec d'autres pays dont les prix vont être indexés sur la cotation mondiale, plutôt que de vendre son beurre à un acteur de la distribution française qui lui refuse de prendre les hausses nécessaires du prix." Par ailleurs, le cours de la poudre de lait peine à se relever depuis la crise laitière de 2015.
En outre, les éleveurs ont connu des difficultés de production à cause des conditions climatiques tout au long de l'année 2016 et du printemps 2017. Le lait s'étant raréfié, le beurre est naturellement devenu plus cher. "Il a deux ans, le kilo était à 3,50 euros et aujourd'hui c'est au minimum six euros", déplore Dominique Dengreville, président des producteurs laitiers de la Somme auprès du Courrier Picard.
Enfin les consommateurs ont changé d'avis sur le beurre. Considéré pendant des années comme mauvais pour la santé, le beurre a été réhabilité au détriment des margarines et autres huiles végétales. En 2014, une noix de beurre a même fait la une du magazine britannique Time titré "Eat Butter. Scientists labeled fat the enemy. Why they were wrong" ("Mangez du beurre. Les scientifiques ont étiqueté la graisse comme ennemie. Les raisons pour lesquelles ils avaient tort.").
TIME's new cover: Eat Butter—new science shows fat isn’t what’s hurting our health http://t.co/ucTiTBaCSNpic.twitter.com/E0LAfw17bw
— TIME (@TIME) 12 juin 2014
Selon les professionnels du secteur, le marché devrait néanmoins se réguler dans les mois à venir. Les industriels vont délaisser le beurre, devenu trop cher, pour les matières grasses végétales et les plaquettes de beurre devraient réintégrer les rayonnages des grandes surfaces.