Si Emmanuel Macron n’a dévoilé qu’une partie de son programme pour l’élection présidentielle, ses premières propositions de réformes donnent déjà le ton. L’ancien banquier d'affaires et ministre de l’Économie veut changer de paradigme et revoir de fond en comble le système de protection sociale à la française. Mais que propose-t-il exactement ? Les entretiens et les meetings qui se succèdent permettent de se faire une idée plus précise de ses intentions pour le pouvoir d’achat, l’assurance chômage et l’assurance maladie.
POUVOIR D’ACHAT : LA PROMESSE D’UN COUP DE POUCE
Gagner plus en cotisant moins... C’est l’une des mesures phares du candidat : "supprimer les cotisations maladie et les cotisations chômage" que paient les salariés et les indépendants afin "d’augmenter sensiblement les salaires nets sans alourdir le coût du travail ni détériorer la compétitivité ou l'emploi". Et Emmanuel Macron de préciser qu’un salarié au Smic pourrait ainsi gagner 500 euros net de plus par an.
...Mais en payant plus d’impôts. Si la réforme peut être alléchante, elle ne constitue pas un cadeau aux travailleurs : la France va devoir continuer à financer son assurance chômage et son système de protection sociale. Reste à savoir où trouver l’argent et Emmanuel Macron a déjà sa petite idée : l’argent rendu aux travailleurs serait repris par ailleurs, sous la forme d’impôts et plus précisément d’une hausse de la CSG.
L’ancien ministre de l’Économie propose en effet une hausse de la CSG de 1,7 point, un financement présenté comme plus équitable car cet impôt ne s’applique pas qu’aux seuls revenus du travail, mais aussi aux revenus de remplacement (retraite, arrêt maladie) et aux revenus du capital (actions, assurance-vie, etc.).
Une réforme qui ferait des gagnants et des perdants. Supprimer les cotisations sociales tout en augmentant la CSG serait un jeu à somme nulle pour l’État, mais pas pour les particuliers. Si certains, les Smicards évoqués par Emmanuel Macron, y gagneraient au change, d’autres devraient payer plus. C’est le cas des retraités qui ne cotisent pas à l’assurance chômage, et ne gagneraient donc rien avec cette réforme, mais verraient leur CSG augmenter. De même, ceux qui gagnent de l’argent grâce à leurs placements mobiliers (actions, assurance-vie, rente, etc.) devraient être davantage ponctionnés.
Pour éviter d’alarmer les électeurs, surtout les retraités qui votent plus que la moyenne, Emmanuel Macron a tenu à apporter plusieurs précisions. "Toutes les petites retraites auront leur pouvoir d'achat protégé", a-t-il assuré, précisant que 40% des retraités les plus modestes seraient épargnés. Les retraités aisés seraient donc les premiers perdants de cette réforme, avec les travailleurs des classes moyennes et supérieures.
VERS UN BIG BANG DU CHÔMAGE ?
Ouvrir à tous l’accès aux allocations... Aux yeux d’Emmanuel Macron, le système actuel d’assurance chômage ne peut plus durer non plus : il est réservé à une seule partie des travailleurs, peine à accompagner les chômeurs qui en ont le plus besoin et n’arrive plus à se réformer, victime des blocages entre les organisations patronales et les syndicats. L’ancien ministre veut donc en revoir le fonctionnement, et pas qu’un peu.
Première réforme envisagée : permettre à tous les travailleurs de pouvoir bénéficier d’allocations chômage, alors qu’aujourd’hui seuls les salariés le peuvent. "On devrait tous pouvoir bénéficier d’une protection sociale qui nous permet de faire face aux grands risques de la vie, à commencer par celui du chômage", justifiait-il mi-octobre. En clair, le droit aux allocations chômage deviendrait universel : les artisans, commerçants, indépendants et les auto-entrepreneurs pourraient en bénéficier, mais aussi les salariés qui démissionnent pour changer de métier ou suivre une formation.
... Mais en échange de contreparties... Ouvrir l’assurance chômage à tous les travailleurs ne serait pas anodin, la principale crainte étant de voir bondir le nombre d’inscrits et donc les dépenses d’un système déjà déficitaire. Emmanuel Macron propose donc d’instaurer de nouvelles conditions pour éviter les abus. "Au bout d'un certain temps de chômage, qui ne se forme pas n'est pas indemnisé", a-t-il ainsi prévenu. De même, un salarié démissionnaire devrait avoir cotisé au moins cinq ans pour pouvoir toucher le chômage, alors que la durée de cotisations minimale est aujourd’hui de deux ans. Enfin, Emmanuel Macron est favorable à une sanction financière pour les chômeurs qui refusent une proposition d’emploi jugée "décente" par Pôle emploi, c’est-à-dire pas trop éloignée de leurs compétences.
...Et d’une prise en main par l’Etat. Le changement de logiciel va bien plus loin puisqu’Emmanuel Macron propose aussi de mettre fin à la gestion paritaire de l’assurance-chômage, actuellement aux mains des organisations patronales et syndicales. "L’État, plus que les partenaires sociaux, devrait être le garant (de l’assurance chômage, ndlr). Car c’est bien l’Etat, dépositaire ultime de l’intérêt général, qui doit s’assurer que personne n’est laissé de côté", a souligné l’ancien banquier d'affaires.
Mais pourquoi vouloir remettre l’Etat au centre du jeu ? Les premiers regards se tournent naturellement vers le patronat et les syndicats, dont l’antagonisme bloque toute réforme alors que les comptes sont dans le rouge. L’autre raison est financière : si Emmanuel Macron arrivait au pouvoir, il supprimerait par ailleurs les cotisations sociales et financerait l’assurance chômage par l’impôt. Les partenaires sociaux n’auraient donc plus leur mot à dire et le gouvernement serait seul aux manettes pour réformer comme il l’entend le système. Côté pile, une gouvernabilité améliorée. Côté face, moins de dialogue et, surtout, la liberté accordée à l’Etat de réformer comme il l’entend, par exemple en réduisant de sa seule initiative le montant des allocations chômage. En cumulant toutes ces réformes, la France sous Emmanuel Macron pourrait alors passer d’un modèle social assurantiel, dans lequel on reçoit en fonction de ce qu’on donne, à un modèle assistanciel, dans lequel tout le monde est éligible mais avec des allocations moins élevées.