Le comité central d'entreprise (CCE) d'EDF a demandé jeudi en référé devant le tribunal de grande instance de Paris la "suspension de la mise en oeuvre" du projet de construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point, en Angleterre, tant qu'il n'aura pas eu accès à une information "suffisante". Le juge rendra sa décision le 27 octobre.
Inquiétudes et polémiques. Ce projet gigantesque de 18 milliards de livres (21,2 milliards d'euros), supporté à 66,5% par EDF et à 33,5% par son partenaire chinois CGN, agite l'entreprise depuis des mois. Il vient d'obtenir le 15 septembre le feu vert de Londres, après celui du conseil d'administration de l'électricien le 28 juillet. Mais le CCE, qui devait se prononcer sur Hinkley Point, avait assigné le 22 juin EDF en référé, estimant ne pas disposer "de tous les éléments pour émettre valablement un avis". L'audience avait été fixée à ce jeudi. Dans l'intervalle, l'électricien a considéré que le CCE était réputé avoir rendu son avis dans le délai prévu, soit le 4 juillet.
Le CCE pointe des "risques majeurs". Faisant valoir les "risques majeurs" de ce chantier "pharaonique" pour EDF, illustrés par exemple par la dégradation de la note de l'électricien lundi par l'agence de notation SP Global Ratings, l'avocat du CCE, Vincent Mallevays, a affirmé que l'entreprise avait "refusé de jouer le jeu et d'avoir un dialogue social constructif" en ne répondant pas aux demandes d'information de l'instance. Il a défendu l'"intérêt à agir" du CCE, même si le conseil d'administration s'est déjà prononcé, car cet intérêt est à considérer "au jour de l'engagement de l'action" judiciaire en juin.
EDF soulève un vice de délai. De l'autre côté, EDF a soulevé deux moyens d'irrecevabilité, dont l'un portant sur le délai. Pour Me Baudouin de Moucheron, dans la mesure où le délai de deux mois - prévu pour la consultation du CCE en cas d'expertise, comme c'est le cas ici - a expiré le 4 juillet, le juge des référés ne peut plus statuer. Un raisonnement appuyé par une décision de la Cour de cassation rendue lundi dans une autre affaire, a-t-il souligné. Le CCE aurait dû solliciter la prolongation du délai dès sa saisine du juge, a-t-il observé.
"On dirait que la Cour de cassation a oublié sa propre jurisprudence", a estimé pour sa part Me Mallevays, en faisant valoir au contraire que le délai de deux mois était un "délai d'action" et que le CCE avait saisi la justice avant le 4 juillet, dans les temps. L'instance n'est pas maître du temps de réaction de l'institution judiciaire, a-t-il observé, en rappelant que la Convention européenne des droits de l'Homme prévoyait un accès "concret et effectif" au tribunal.