Dès qu'il s'agit d'établir des plans pluriannuels, Carlos Tavares a le sens de la formule. Arrivé au printemps 2014 à la tête d'un PSA Peugeot Citroën exsangue, menacé de faillite, le patron avait présenté "Back in the race", programme destiné à mettre le constructeur automobile de "retour dans la course". Bouclé avec deux ans d'avance, ce plan de redressement a laissé place mardi à "Push to pass" ("pousser pour doubler"), offensive stratégique qui doit consolider les premiers résultats du groupe à l'horizon 2021.
Le plus difficile reste à faire. "Nous avons chez PSA un potentiel et une énergie considérables, que nous allons libérer au travers de ce nouveau plan de croissance rentable de l'entreprise", a expliqué Carlos Tavares, mardi sur Europe 1. Le patron le sait : s'il peut se féliciter d'avoir éloigné le constructeur automobile de la perspective d'un dépôt de bilan, notamment au prix d'importantes suppressions d'emploi, le plus difficile reste encore à faire. Le groupe vise une croissance de son chiffre d'affaires de 10% d'ici à 2018, puis de 15% supplémentaires à l'horizon 2021. Et pour y parvenir, Carlos Tavares compte sur "trois axes essentiels".
Investir dans de nouveaux modèles. Le premier est une "offensive produit et technologique sans précédent". PSA a décidé de commercialiser 26 nouvelles voitures et 8 nouveaux utilitaires, soit 34 nouveautés au total, dans les cinq prochaines années. "Pas moins de 28 nouveaux produits [arriveront] sur le marché européen et 20 en Chine", a expliqué Carlos Tavares. Un choix très symbolique. En 2014 en effet, le patron de Peugeot avait décidé de restreindre la gamme du groupe pour gagner en productivité. Deux ans plus tard, il souhaite prouver que l'heure est désormais à l'investissement dans l'hybride, l'électrique et même les voitures autonomes sans chauffeurs, que PSA veut voir arriver sur le marché en 2021.
Conquérir de nouveaux marchés. Deuxième point essentiel du plan "Push to pass" : la conquête de nouveaux marchés internationaux. Carlos Tavares mise notamment sur l'Asie du Sud-Est, l'Afrique, l'Inde et le Moyen-Orient. En janvier dernier, PSA a fait partie des groupes français qui ont profité du dégel diplomatique avec Téhéran pour organiser leur venue (ou, dans le cas de Peugeot, leur grand retour) en Iran. "Ce sera fait en 2017", a assuré Carlos Tavares mardi. Retour prévu, également, en Amérique du Nord, d'où PSA s'était retiré il y a 25 ans. Ancien patron de Nissan pour la zone Amériques, Carlos Tavares ne sera pas dépaysé.
Pour PSA, un développement accru à l'international est indispensable. Le marché européen, sur lequel il réalise la majorité de ses ventes et conserve une marche opérationnelle correcte, est saturé, très concurrentiel, peu rentable. Et si l'arrivée de Dongfeng au capital du constructeur en 2014 a ouvert les portes du marché chinois à PSA, le groupe a encore du retard à l'étranger par rapport à ses concurrents, notamment Renault.
Mobilité et services connectés. Enfin, Peugeot mise sur "le monde de la mobilité" et les services pour se consolider. Plateformes de location de voitures, vente en ligne de pièces de rechange ou encore autopartage sont au programme. Le groupe prévoit également d'investir une centaine de millions d'euros dans des projets internes ou des start-ups. Jean-Baptiste Chatillon, directeur financier de PSA, a indiqué mardi vouloir "intégrer progressivement dans [le] business model [du groupe] des idées qui naissent dans un écosystème très riche, autour de la mobilité, des services connectés". Une diversification qui s'articule avec la conquête de nouveaux marchés, puisque PSA prévoit par exemple de développer l'autopartage aux Etats-Unis.
Trop petit pour rester seul ? Reste la question de la taille du groupe. Par rapport à d'autres constructeurs comparables, PSA et ses 3 millions de voitures construites par an fait figure de nain. La marque au lion souffre de son célibat face, par exemple, à l'alliance de Renault avec Nissan, qui permet une plus grosse force de frappe tant en termes de moyens financiers que de technologies. Par le passé, PSA a échoué à se rapprocher d'autres constructeurs, comme Mitsubishi ou General Motors, se tournant alors vers des partenariats de circonstance avec Ford ou Toyota. Si Carlos Tavares veut penser que son plan suffira à "apporter de la croissance et une présence mondiale accrue" à son groupe de manière "parfaitement autonome", et n'évoque pas d'alliance à moyen terme, il a néanmoins indiqué avoir "l'esprit ouvert à toutes les opportunités qui pourraient bénéficier à l'entreprise".
Quelles conséquences pour les salariés ?
Mardi, Carlos Tavares n'a évoqué ni suppressions de postes, ni efforts à prévoir sur les salaires des employés du groupe. Interrogé sur Europe 1 sur de potentielles fermetures d'usines en France, le patron de PSA a sous-entendu que ce n'était pas d'actualité, sans pour autant l'exclure clairement. "En ce qui concerne le marché européen, avec l'offensive contenue dans ce plan, nous aurons une activité qui est très soutenue. Nous tirons l'activité automobile en France", a t-il déclaré. Les usines en activité devront néanmoins "s'adapter" à de nouvelles organisations.
De leur côté, les syndicats se sont inquiétés ne pas avoir plus de gages de la part du patron de PSA en échange de la hausse de productivité prévue. La CGT s'est dite ainsi "déterminée à combattre la politique de Tavares qui consiste à vider les usines de ses salariés".