Pour sa première visite officielle en Europe, Raul Castro a choisi de se rendre en France, une attention à laquelle Paris a été sensible. Le président cubain a en effet eu droit à une visite d’Etat en bonne et due forme, avec descente des Champs Elysées et rencontre des principaux personnages de l’Etat français. Un traitement de choix qui doit permettre à la France de devenir "premier partenaire" politique et économique européen de l'île des Caraïbes. Mais d’où partent les relations économiques entre les deux pays ? Et quelles perspectives les entreprises françaises peuvent-elles avoir dans cette île ?
Cuba, un poids léger du commerce extérieur français. Si Paris accorde une grande importance à Cuba, ce dernier ne pèse pourtant pas beaucoup en termes économiques. En effet, Cuba ne représentait en 2014 que 0,05% des exportations françaises, la Havane étant le 105e partenaire commercial de la France. Les 180 millions d'euros d’échanges commerciaux par an représentent donc une part négligeable du commerce extérieur français.
En outre, les échanges entre les deux pays sont peu diversifiés. Ainsi, trois secteurs représentent presque 70% des exportations cubaines vers la France : les boissons (31,7% des exportations), les préparations et conserves à base de poissons (18,8%) et les tabacs manufacturés (18,5%). Dans le sens inverse, la France exporte à Cuba surtout des produits agricoles (35% des échanges), des produits chimiques (10,9%), des téléphones et équipements télécoms (5,7%), ainsi que des équipements pour automobiles (5,6%).
Mais un Etat stratégique dans la région. Malgré sa taille réduite, le marché cubain suscite l’intérêt des entreprises françaises à plus d’un titre. Tout d’abord parce qu’il y a beaucoup à y faire : l’embargo américain instauré depuis 1962 a empêché les Cubains et les entreprises locales de renouveler leurs équipements, qui sont désormais vieillissants. Tout est donc à reconstruire sur l’île, qui pourrait alors rapidement devenir le premier marché de cette zone des Caraïbes, devant Porto Rico et la République Dominicaine.
De plus, Cuba est une porte d’entrée vers les pays hispanophones de la région : "les entreprises qui s’y installent visent le marché cubain mais aussi tous les Caraïbes car Cuba joue un rôle central pour toute la région", souligne pour Europe 1 Stéphane Witkowski, président du Conseil de gestion de l'IHEAL (Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine). Sans oublier que l'île est à ses yeux un pari sur l’avenir : "grâce à son haut niveau de formation, Cuba a vocation à devenir une plate-forme de services à haut niveau de qualification".
Quelles sont les entreprises françaises présentes à Cuba ? "Nous avons 60 à 70 entreprises ou bureaux de représentation à Cuba", résume celui qui est par ailleurs membre du Comité d’Honneur de Cuba Coopération France. Les entreprises françaises se sont concentrées dans quelques secteurs très précis : les infrastructures (Bouygues), la logistique et les transports (CMA-CGM), l’agroalimentaire (Ricard, Perrier-Vittel), les énergies (Total, Peberco) ou encore le tourisme (Accord). Ce dernier secteur est d’ailleurs celui qui se développe le plus vite, avec notamment une hausse de 30% des touristes français depuis deux ans.
La ruée sur Cuba est déjà lancée. Preuve de l’intérêt des entreprises françaises pour Cuba, la France est le quatrième investisseur étranger sur l’île. Mais elle pourrait rapidement perdre cette position : "on assiste à une course entre les investisseurs brésiliens, vénézuéliens, européens et africains. Au cours des deux dernières années, on a dénombré 185 visites de délégations et 22 visites d’Etat", prévient Stéphane Witkowski.
Sans oublier le cas américain, voisin incontournable et refuge d’une importante communauté cubaine mais avec lequel La Havane entretient des relations compliquées. De prime abord, les Français ont peu de chances de rivaliser avec les Etats-Unis dans leur zone d’influence. Sauf que Cuba est un cas à part. "Les Cubains ne se sont jamais considérés comme le 52e Etat américain et ne veulent pas le devenir : la génération historique actuellement au pouvoir à Cuba veut laisser à ses successeurs un pays qui ne soit pas aligné sur les intérêts américains. Le retour américain se fait donc par étape et prendra du temps", assure Stéphane Witkowski.
Les entreprises françaises ont donc toutes leurs chances, à conditions d’amadouer les particularités de Cuba. "Ce n’est pas un marché évident : il y a des lenteurs bureaucratiques, les décideurs ne sont pas toujours les négociateurs, les financements sont difficiles à trouver à cause de l’embargo et du risque de sanctions, sans oublier un problème de droit en ce qui concerne les titres de propriété", prévient Stéphane Witkowski.