Les discriminations sur le marché du travail, qui touchent d'abord les femmes, ont un coût et leur réduction substantielle permettrait à l'économie de gagner entre 80 et 310 milliards d'euros, selon un rapport de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon, publié mardi. Ce rapport a été commandé par le gouvernement à la suite d'une première enquête sur les discriminations en entreprise sous l'égide de Jean-Christophe Sciberras, ex-patron de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), en mai 2015.
Un gâchis de talents . "Les discriminations freinent, voire bloquent, l'insertion sur le marché du travail d'une partie de la population en âge de travailler. Elles coûtent donc à l'économie en général et aux entreprises en particulier", qui ont intérêt "à recruter des individus de catégories discriminées à des postes de responsabilité", soulignent les auteurs. Les principales discriminations concernent "les femmes, en raison de leur nombre (50% de la population), et les descendants d'immigrés et populations des DOM qui représentent environ 5% de la population", dit Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie.
Leur moindre accès à l'emploi, à l'activité professionnelle à plein temps et aux postes les mieux rémunérés induit "un gâchis de talents" et des "pertes", sans compter "les coûts de long terme liés aux inégalités d'éducation", explique-t-il. En retenant quatre critères de discrimination -le sexe, l'origine géographique, le lieu de résidence et le handicap - et en s'appuyant sur "une mesure statistique des inégalités" qui consiste à calculer les écarts (de taux d'emploi, de salaires, etc.) entre discriminés potentiels et population de référence, les auteurs envisagent quatre scénarios.
Plusieurs scénarios. Ils calculent, sur la base du PIB 2015, les effets positifs, cumulés ou pas, de quatre facteurs: un meilleur accès aux postes qualifiés, un meilleur accès à l'emploi, une réduction des écarts en matière de durées hebdomadaires de travail et de niveaux d'éducation (avec une convergence au niveau du Bac). Résultat: un gain de croissance et de revenu compris entre 3,6% du niveau total du PIB, soit 80 milliards d'euros, et 14,1% du PIB soit environ 310 milliards d'euros.
" C'est un effort collectif qui doit se poursuivre dans la durée "
Le rapport privilégie cependant un scénario "prudent et s'appuyant sur des hypothèses réalistes à long terme", selon Jean Pisani-Ferry: l'augmentation du taux d'emploi et de l'accès aux postes élevés des populations discriminées, qui permettrait un gain de près de 7% du PIB (soit environ 150 milliards d'euros). Dans ce scénario, 97% de l'effet sur le PIB s'explique par une hausse de l'accès des femmes à l'emploi et aux postes élevés.
"Pour 100 euros supplémentaires du PIB", la contribution des femmes "varie de 83 à 99 euros, quel que soit le scénario considéré", soulignent les auteurs. "Il y a un potentiel important mais c'est un effort collectif qui doit se poursuivre dans la durée", estime Jean Pisani-Ferry qui cite l'exemple des États-Unis "où 15 à 20% de la croissance est venue de la réduction des discriminations hommes/femmes et noirs/blancs, en près de 50 ans (1960-2008)". Pour lui, ce scénario ne se heurte pas aux limites du taux de chômage global, "élevé, mais qui est resté relativement stable depuis 20 ans".
" Les femmes originaires du continent africain sont particulièrement défavorisées "
Les femmes fortement pénalisées. "Quelle que soit leur ascendance migratoire, les femmes ont un taux d'activité en moyenne inférieur de 10 à 15 points à celui des hommes", elles n'accèdent toujours pas aux postes à responsabilité et "les femmes originaires du continent africain sont particulièrement défavorisées", présentant un "sur-chômage" et "un moindre accès au CDI à temps plein", souligne le rapport. Côté salaires, les femmes gagnent "systématiquement moins que les hommes sans ascendance migratoire directe", avec des écarts de rémunération "d'environ 12%".
Les hommes originaires du continent africain sont aussi perdants. "A caractéristiques égales, ils ont un taux d'activité plus faible (-4 points) et un taux de chômage significativement plus important (+7 points) que les hommes sans ascendance migratoire". Ils restent défavorisés sur le plan des salaires mais moins que les femmes.