Réfugiés : les Etats opposés aux quotas ont beaucoup à perdre

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CHIFFRES - L’Autriche a proposé de couper les aides européennes aux Etats opposés aux quotas de réfugiés. Une menace qui pèse des milliards d’euros.

Confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés et de migrants, l’Europe cherche des solutions. Les ministres de l’Intérieur se sont réunis mardi pour évoquer ce dossier et ont conclu un préaccord, avant que les chefs d’Etats ne prennent le relais, mercredi. Une piste est toujours privilégiée : instaurer des quotas (ou "clefs de répartition") pour répartir les réfugiés dans tous les Etats européens et éviter que certains supportent tout l’effort que cela suppose. Mais même si une majorité des Etats sont tombés d'accord mardi soir, un tel scénario est toujours contesté par de nombreux pays, principalement ceux de l’Europe de l’Est.

Pour tenter de les faire plier, les ministres de l’Intérieur allemand et autrichien ont évoqué une menace : priver les Etats récalcitrants des aides financières européennes. Un tel scenario est-il vraiment dissuasif ? Au regard des chiffres fournis par la Commission européenne, la réponse est limpide : oui, les Etats opposés aux quotas ont beaucoup à perdre.

Ces Etats opposés aux quotas. Avant de se pencher sur les enjeux financiers de la crise actuelle, il faut d’abord identifier les Etats visés par ce chantage financier. La Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie sont les plus virulents et font clairement partie de cette catégorie. La Pologne s’est également déclarée opposée à l’instauration de quotas, bien que cette dernière ait assoupli sa position depuis quelques jours. On peut également ranger dans cette catégorie la Roumanie, qui serait néanmoins prête à accepter l’instauration de quotas si, en échange, elle intégrait l’espace Schengen. Les pays baltes, un temps opposés à un tel système, se font depuis discrets. Pour mieux les identifier dans les infographies suivantes, nous avons attribué la couleur rouge aux pays opposés aux quotas et la couleur orange aux sceptiques, le reste des Etats européens étant en bleu.

Des Etats parmi les premiers bénéficiaires de l’UE. Une fois les présentations faites, passons aux chiffres : combien d’argent ces Etats ont-ils reçu de l’Europe ? Pour y répondre, il faut se tourner vers la direction générale du Budget de la Commission européenne. Cette dernière fournit sur son site, année par année, les sommes versées et reçues par chaque Etat. Des chiffres qui englobent les programmes européens les plus connus (Fonds européen de développement régional, fonds social européen, fonds de cohésion), mais aussi plus d’un millier de programmes plus spécifiques.

Résultat : depuis leur adhésion à l’Union européenne, en 2004 pour tous les pays concernés à l’exception de la Roumanie, ces pays font bien partie des premiers bénéficiaires des aides financières européennes. Et risquent donc beaucoup si l’Europe réduisait ou coupait le robinet financier. Quant au trio Espagne-Portugal-Grèce, sa présence dans le Top 5  des bénéficiaires doit être relativisée, comme nous l’expliquerons plus tard.

Et pour qui l’aide européenne pèse lourd. Aussi élevés ces chiffres soient-ils, ils doivent néanmoins être remis dans leur contexte. Une aide financière d’un million d’euros n’a pas du tout le même impact pour la "petite" Lettonie, dont le PIB est de 24 milliards d’euros, que pour la "grande" Pologne, dont le PIB avoisine les 413 milliards d’euros : comparé à la richesse de ces deux pays, ce million d’euros pèse 17 fois plus lourd pour la Lettonie que pour la Pologne.

Pour identifier l’enjeu financier d’une réduction des aides européennes, il faut donc comparer le montant des transferts financiers avec le PIB de chaque Etat. Et à ce petit jeu-là, les pays opposés aux quotas sont encore ceux qui ont le plus à perdre, tandis que le trio Espagne-Portugal-Grèce recule sensiblement.

En menaçant les pays opposés aux quotas, l’Allemagne et l’Autriche appuient donc là où ça fait mal. Pour un pays comme la Hongrie, qui a reçu en 2014 près de 5,6 milliards de l'UE, une réduction de 10% de ces transfert se traduirait par exemple par un manque à gagner d'environ 560 millions d'euros. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si les pays baltes et la Pologne, qui sont les premiers bénéficiaires du soutien européen, sont aussi ceux qui ont adopté une attitude moins intransigeante quant à l’accueil des réfugiés venus de Syrie et d'Irak.