Une femme à la place d’une autre femme. Voilà ce qui se passe après le remaniement de ce lundi au ministère du Travail, où Elisabeth Borne succède à Muriel Pénicaud. Un changement de nom mais aussi probablement de style et surtout de ligne. Car même si, dans l'esprit d'Emmanuel Macron, Muriel Pénicaud n'a pas démérité, elle avait fini par incarner un peu trop bien la première phase du quinquennat, et moins la nécessaire gestion du choc économique et social provoqué par le coronavirus, nouvelle priorité du ministère.
Muriel Pénicaud incarnait la libéralisation du marché du travail...
Revenons en effet à l'été 2017. Muriel Pénicaud avait alors mené au pas de charge les ordonnances Travail. En moins de trois mois, le Code du travail avait été dépoussiéré, le droit du licenciement assoupli et le dialogue social simplifié dans les entreprises. Le patronat en rêvait depuis des années, l’ancienne DRH de Danone l'a fait, prenant les syndicats par surprise.
C'était l'un des principaux pans libéraux du programme présidentiel. Il fallait marquer les esprits, montrer aux investisseurs que la France savait se transformer. C'était bien le début du quinquennat. Il y a eu ensuite la réforme de la formation professionnelle, puis celle de l’apprentissage, avec la même logique : dépoussiérer et moderniser le marché du travail.
Tout semblait donc militer pour que Muriel Pénicaud poursuive son bail rue de Grenelle. Mais si son aventure ministérielle s'arrête, c'est parce qu'elle a fini, justement, par un peu trop incarner cette première phase du quinquennat. Or, aujourd'hui, la priorité n'est plus la modernisation du Code du travail mais la gestion du choc économique et social provoqué par la crise du coronavirus.
...Élisabeth Borne doit prendre en main la crise économique
Le combat, désormais, se joue contre l’envolée du chômage. Et pour ça, il fallait un nouveau capitaine. Muriel Pénicaud a bien posé les premiers jalons de cette nouvelle approche avec le chômage partiel, déployé dès la mi-mars pour limiter le nombre de licenciements. Mais on arrive au bout du dispositif, ce qui fait craindre un tsunami de plans sociaux. C’est donc Elisabeth Borne qui va s’y atteler.
Cette dernière va devoir notamment remettre très vite en chantier la réforme de l’assurance-chômage, qui symbolisera le changement de cap. Cette réforme illustrait parfaitement l’esprit conquérant de l’"avant crise", en visant à inciter les demandeurs d’emploi à revenir plus vite dans le circuit du travail et en resserrant l’accès à l’indemnisation chômage. Mais crise est passée par là. Emmanuel Macron a donc décidé d’appuyer sur le bouton "pause". Charge à Élisabeth Borne d'écrire désormais la suite. Les syndicats, eux, sont unanimes et réclament l’abandon pur et simple de cette réforme.
C’est également la nouvelle ministre du Travail qui devra mettre sur les rails le plan pour inciter les entreprises à embaucher et ne pas laisser les nouveaux diplômés sur le carreau. Plusieurs hypothèses sont sur la table : une prime ou une baisse de charge, il va falloir trancher très rapidement. Une chose est sûre, Élisabeth Borne va occuper l’un des postes les plus difficiles de ces prochains mois.