Comment mieux rémunérer les producteurs en leur assurant un juste prix ? C’est la question centrale des États généraux de l’alimentation lancés par Emmanuel Macron lors de son arrivée à l’Élysée. Après des mois de réflexion, les ateliers mis en place vont déboucher sur une loi, présentée par le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert en Conseil des ministres mercredi. Mais certains n'ont pas attendu la loi pour agir, la preuve avec trois marques qui allient juste prix et distribution à grande échelle.
Ensemble : la plus "ancienne"
Première de cordée, Ensemble, une gamme de produits distribués par la chaîne de magasins Biocoop depuis 1999, applique un principe limpide : "Le producteur est rémunéré à un prix juste, le magasin applique une marge calculée en fonction de ses charges réelles et le consommateur achète des produits sains et 100% bio à des tarifs qui restent maîtrisés". Aujourd’hui, 19 groupements de producteurs, rassemblant 2.612 fermes, sont associés à la marque Ensemble. Tous sont sociétaires de Biocoop et donc représentés au conseil d’administration.
Ensemble, ils fixent "des niveaux de prix 'plafond et plancher', basés sur les coûts de production et la pérennité des fermes, ce qui protège des variations parfois brutales du marché". Au total, la gamme Ensemble commercialise plus de 600 produits de consommation courante : fruits, légumes, céréales, viandes, lait, fromage… Une gamme très vaste qui représente aujourd’hui 12% du chiffre d’affaires des 500 magasins Biocoop de France. Pour les agriculteurs, c'est l'assurance d'une production planifiée, avec des prix lissés qui les protège en cas d'aléas climatiques.
En direct des éleveurs : la plus coopérative
En 2016, la crise du lait met en lumière les difficultés financières chroniques des éleveurs laitiers, forcés de subir la politique de prix bas de Lactalis et de la grande distribution. En réaction, une quinzaine d’exploitations familiales de Bretagne, des Pays-de-la-Loire et de Nouvelle-Aquitaine se sont associées pour créer leur propre marque En direct des éleveurs. Pour vendre un lait de qualité à un prix rémunérateur, ils construisent même leur propre laiterie en Loire-Atlantique.
Les éleveurs prennent des engagements en termes de transparence, de traçabilité et de qualité (les vaches sont nourries sans huile de palme) et in fine commercialisent, sans intermédiaire, non pas une bouteille ou une brique mais une poche de lait. Dans cet emballage 100% recyclable, on trouve un litre de lait "bleu, blanc, cœur" vendu 94 centimes, un prix qui permet aux éleveurs de toucher un Smic et demi par mois. Après des débuts discrets, le lait En direct des éleveurs a bénéficié d’une distribution étendue et est aujourd’hui disponible dans plus de 250 magasins Leclerc et Super U du Grand Ouest. Et dans les étables, on a déjà des projets pour vendre aussi de la crème et du beurre…
C’est qui le patron ?! : la plus ambitieuse
Là encore c’est la crise du lait qui a engendré l’émergence de C’est qui le patron ?!. Mais cette fois, il s’agit d’une initiative de consommateurs. Préoccupés par les conditions de vie des éleveurs laitiers, des "consom’acteurs" se sont rassemblée à l’été 2016 pour lancer leur propre marque. Au début, il s’agit de proposer une brique de lait équitable. Pour la concevoir, les sociétaires sont consultés via un sondage sur le prix, l’origine du lait, l’alimentation des vaches, l’emballage, etc. Résultat, 93% des 7.850 votants décident de fixer un prix permettant de rémunérer justement le producteur.
Prix d'achat doublé. Pour la production, les fondateurs de la marque vont chercher 80 familles d’éleveurs laitiers. "Ils perdaient 120 euros par jour en vendant leur 21 centimes le litre", rappelait récemment sur RMC Nicolas Chabanne, à l’origine de C’est qui le patron ?!. La marque des consommateurs leur propose un prix d’achat de 39 centimes, près du double. Après la transformation et la commercialisation, la brique d’un litre de lait est vendue 99 centimes, huit centimes plus cher qu’une bouteille traditionnelle. Un écart minime rendu possible par un pourcentage de seulement 5% des ventes pour la marque, un nombre réduit d'intermédiaires et l'économie d'une campagne de communication. "En moyenne, un Français consomme 50 litres de lait par an. S’il choisit le lait C’est qui le patron ?!, ça ne lui coûte que 4 euros de plus par an. C’est accessible", soutient Nicolas Chabanne.
Un an et demi plus tard, C’est qui le patron ?! est une véritable success-story. Les briques de lait sont distribuées dans 12.000 points de vente et il s’en est vendu 35 millions de litre sans campagne de communication. Le lait est désormais utilisé dans les marques distributeur Monoprix et dans les yaourts et le fromage blanc de marque Carrefour, soit 23 millions de litres de lait supplémentaires par an. Douze pays ont pris contact pour distribuer la marque, dont la Belgique où le lait est en vente depuis décembre.
De nouveaux produits dans les cartons. Mais les "consom’acteurs" ne comptent pas d’arrêter au lait. Sur le site de la marque, ils sont régulièrement consultés pour de nouvelles idées de produits. Dans les rayons, on peut déjà trouver du beurre bio, du jus de pomme, de la compote de pommes et une pizza surgelée, tous fabriqués avec des ingrédients de qualité sélectionnés en amont par les sociétaires. Depuis fin 2017, des steaks hachés respectueux du bien-être animal et qui rémunèrent correctement les éleveurs ont été lancés. Et d’autres produits sont encore à venir : salade, pâtes, œufs, miel, fraises…
C’est qui le patron ?! nommée aux Trophées de l’Avenir
Le 5 février, Europe 1 récompense les initiatives innovantes lors de la grande soirée des Trophées de l’Avenir 2018. Parmi d’autres projets, la marque C’est qui le patron ?! est nommée pour le Trophée de l’Alimentation. Sera-t-elle récompensée ? Réponse lundi sur Europe 1 !