Quelle attitude adopter face à son principal actionnaire, qui n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit de l’Etat français ? Telle est la question qui doit être posée vendredi au Conseil d’administration de Renault, à l’initiative de son PDG, Carlos Ghosn, qui n’apprécie guère l’interventionnisme du gouvernement français. Un rendez-vous au cours duquel il pourrait être décidé d’accorder à Nissan un poids plus important pour contrer l’influence de l’Etat.
Une réunion après une semaine de tensions. Nationalisé pendant près d’un demi-siècle, le groupe Renault a toujours entretenu des relations particulières avec l’Etat, devenu son actionnaire principal. Après les coups de pression étatique pour maintenir la production en France, la dernière source de tension trouve son origine dans la décision surprise du gouvernement français de monter au capital du constructeur automobile en avril 2015, passant de 15 à 19,7% du capital, pour obtenir une minorité de blocage et imposer à l'entreprise l'application de la loi "Florange" qui récompense les actionnaires de long terme par l'octroi de droits de vote double.
Sauf que le PDG du groupe Carlos Ghosn y est farouchement opposé, tout comme le partenaire japonais de Renault, Nissan, qui détient 15% de la marque au losange mais aucun droit de vote. "L'Etat français a désormais un poids plus important, du point de vue de Renault c'est un problème important, et pour nous, Nissan, c'est un motif d'inquiétude", a ainsi déclaré Hiroto Saikawa, directeur de la compétitivité de Nissan en présentant les résultats semestriels du groupe. Les administrateurs indépendants de Renault se sont également inquiétés jeudi d’un déséquilibrage de cette alliance stratégique.
Vers une modification du partenariat franco-japonais ? Pour répondre à l’influence grandissante de l’Etat français, l’alliance Renault-Nissan envisage donc de revoir les termes de son partenariat pour permettre au Japonais d’obtenir lui aussi des droits de vote, et donc un poids presque équivalent à celui de l’Etat français. De quoi affaiblir un actionnaire étatique qui ne se contente pas d’exiger le maximum de dividendes mais souhaite peser sur les choix du groupe lorsqu’il s’agit d’emploi ou d’orientations stratégiques.
Si l’alliance avec Nissan doit être revue, le gouvernement milite, lui, pour un autre scénario : une fusion en bonne et due forme qui permettrait à Renault de conserver sa primauté au sein de l’alliance et donc un plus grand pouvoir.
Nissan, un groupe à la santé retrouvée. Car l’équilibre entre les deux marques a sensiblement évolué : lorsque Renault s’allie à Nissan en 1999, le Japonais est à l’agonie et est quasiment sauvé par la marque au losange. Résultat, si Renault prend 43,4% du capital de Nissan, ce dernier ne récupère en échange que 15% du constructeur français.
Mais depuis, le rapport de force a évolué, même si Renault est une nouvelle fois venue au secours de Nissan lors de l’accident de Fukushima : aujourd’hui, Nissan réalise les deux tiers des ventes du groupe et pèse plus lourd en Bourse que son homologue, 42 milliards d'euros de capitalisation contre 17,6 milliards. Le Japonais a donc les moyens de racheter une partie de ses propres actions que Renault détient, ou alors de monter dans le capital du constructeur français.
Un argument que compte bien invoquer Carlos Ghosn pour militer pour un rééquilibrage au sein de l’alliance, et non une fusion gravant dans le marbre la primauté de Renault. Un scénario qui lui permettrait au passage de renforcer sa propre position à la tête des deux entreprises.