Normalement, c’est la fin du dossier social et industriel de l'été : la justice a finalement validé jeudi l'offre de reprise partielle par GMD de l'équipementier automobile creusois GM&S, pour un euro, avec le maintien de 120 emplois sur 276. Le dossier ne satisfait personne mais il s’agissait de la seule offre sur la table. La reprise par l'emboutisseur français GMD sera effective lundi à minuit. Mais les salariés ne se résignent pas et veulent continuer à se battre.
"Les actions vont reprendre de plus belle". Les salariés de GM&S ont appris le jugement du tribunal de commerce de Poitiers dans le car qui les ramenait de Sept-Fons, dans l’Allier, où ils manifestaient depuis mercredi devant une usine du groupe PSA. Un jugement "sans surprise" pour Yann Augras, délégué CGT. Il annonce également "des actions qui vont reprendre de plus belle" pour améliorer les conditions de la reprise : "Ce n’est pas fini." En effet, si "le jugement autorise le licenciement des 156 salariés", a dit Jean-Louis Borie, l'avocat des salariés, l'offre peut toutefois encore être revue à la hausse.
Offre encore améliorable. "Désormais, notre seul interlocuteur pour faire évoluer l'offre en termes d'emploi est donc M. (Alain) Martineau", le PDG de GMD, a souligné Yann Augras. Le dialogue frontal commencera dès lundi. "Je viendrai en personne sur site avec mon équipe et mes cadres" a déclaré Alain Martineau à l’issue de l’audience. "Je reste très optimiste pour l'avenir du site", a-t-il ajouté. De son côté, Étienne Lejeune, président de l'intercommunalité Ouest-Creuse, a exprimé des sentiments mitigés. "On évite le pire mais ce qui m’inquiète, c’est le sort des 157 qui vont partir", a-t-il dit au journal La Montagne Creuse.
GMD (Groupe Mécanique Découpage) est spécialisé dans l'emboutissage, la plasturgie et la fonderie. Il emploie 4.800 salariés, dont 3.900 en France. Il est également présent en Europe de l'Est, au Maghreb et en Asie. Son chiffre d'affaires 2016 s'établissait à 750 millions d'euros, selon son PDG.
Réunion explosive. Toujours selon le quotidien local, les élus du Comité d’entreprise (CE) de GM&S ont reçu, peu avant le jugement du tribunal, une convocation pour le discuter du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec la nouvelle direction de l’usine creusoise. Les possibilités de reclassement leur seront également présentées à cette occasion. Sur Twitter, Jean-Louis Borie a laissé entendre que la rencontre sera tendue : "Entrée en jouissance (transfert de propriété, ndlr) le 11 septembre… Date de l’explosion ?", a écrit l’avocat des salariés.
Indemnités réclamées. Mais les principaux intéressés ont décidé de ne pas attendre la réunion de lundi pour prendre les choses en main. Deux heures le jugement, tout juste revenus de l’Allier, ils se sont réunis en Assemblée générale, dans l’usine, pour réfléchir à la suite à donner à leur situation. Les salariés réclament notamment 75.000 euros d'indemnité extra-légale par licencié, financée par le repreneur et les constructeurs Renault et PSA. Pour l'instant, aucune indemnité de ce genre n'est à l'ordre du jour. A défaut, ils préviennent qu'une reprise "pérenne" de leur usine ne sera pas garantie. "On va faire le maximum pour que le nombre de salariés repris augmente, autrement ces familles vont se retrouver dans la misère", a défendu Yann Augras.
Après la décision AG des salariés de #gmspic.twitter.com/lWCplogvxE
— jean louis Borie (@cyberbasoche) 7 septembre 2017
Essentielle question du reclassement. Par ailleurs, les salariés de GM&S demandent "un plan social digne de ce nom" pour un personnel de plus de 50 ans de moyenne d'âge, dans un désert industriel, la Creuse, augurant mal des reconversions. En termes de reclassements, GMD s'est engagé à communiquer "le détail des éventuels postes disponibles au sein des différentes sociétés de son groupe", mais "il ne prendra pas part au financement des mesures de reclassement et autres mesures d'accompagnement". En outre, GMD accepte de porter "la priorité de réembauche" des salariés non repris à une "durée exceptionnelle de deux ans".
Dans un communiqué, Alain Rousset, président de la région Nouvelle Aquitaine, a pris acte de la décision du tribunal et annonce que la Région soutiendra "au titre de ses politiques économiques traditionnelles, les investissements, les diversifications et les innovations développées sur le site". Les salariés non repris seront quant à eux "accompagnés par la Région dans leurs efforts de reconversion et de formation individuelle".
Un nouvel effort des constructeurs ? Reste à savoir quelle sera la position des constructeurs automobiles. Les salariés jugent que les garanties de commandes (22 millions d'euros annuels sur cinq ans) arrachées à PSA et Renault par Bercy ne sont pas un gage de pérennité du site. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, très impliqué dans ce dossier "prioritaire", a demandé à PSA et Renault de garantir davantage de commandes dans les années à venir. Il a aussi accepté d'investir cinq millions d'euros pour la modernisation du site.
Après le jugement, Bruno Le Maire a souligné que "cette reprise permet de maintenir 120 emplois et une activité industrielle pérenne sur le site de la Souterraine, avec une garantie de chiffre d’affaires sur cinq ans et des investissements à hauteur de quinze millions d’euros". Le ministre a également confirmé l'engagement de l'État : "Pour l’ensemble des salariés non repris, une cellule de reclassement sera rapidement mise en place dès validation par les organisations syndicales. Des moyens spécifiques seront disponibles pour accompagner leur projet professionnel, notamment sur la formation".