Après des semaines d’attente, Emmanuel Macron a finalement dévoilé l’intégralité de son programme jeudi. En matière d’économie, le candidat du mouvement En Marche ! pioche autant à droite qu’à gauche. Parmi les mesures marquantes de son "contrat avec la Nation" : l’instauration progressive d’un "système universel de retraite". Emmanuel Macron propose un régime unique pour remplacer les 37 régimes actuels. Ce nouveau système de retraite comprendrait "des règles communes de calcul des pensions". Par ailleurs, "le fait de changer d’activité ou de secteur sera sans effet sur les droits à la retraite. Avec un principe d’égalité : pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous".
Différence de calcul. Derrière cette proposition, l’ancien ministre de l’Économie entend surtout aligner le public et le privé. Actuellement, le niveau de la pension de retraite est calculé sur la base des six derniers mois de salaire dans le public et sur les 25 meilleures années de rémunération dans le privé. Une différence jugée inéquitable depuis longtemps par la droite mais qui n’a jamais été résorbée, du moins pas complètement. "Si on regarde l’histoire des réformes de retraite, on observe une convergence de plus en plus importante entre les régimes des salariés du privé et des fonctionnaires du public", pointe Simon Rabaté, économiste à l’Institut des politiques publiques, sur Europe 1.
Une arlésienne. Comme l’explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, également interrogé par Europe 1, "cela fait des années, depuis 1993 précisément, qu’on parle de cette unification des régimes". La France est pourtant un des derniers pays développés à ne pas avoir encore sauté le pas. "Les expériences étrangères d’unification nous montrent que c’est possible mais qu’au moment de la réalisation, c’est très complexe. Notamment car, malgré la convergence, les régimes du privé et du public sont encore assez différents. Calculer en points comme dans la fonction publique ou prendre en compte les annuités comme dans le privé, ce n’est pas du tout la même chose".
" Il y a le sentiment que les efforts sont plus faits par les salariés du privé que par les fonctionnaires "
Convaincre les fonctionnaires. Alors Emmanuel Macron pourra-t-il, s’il est élu, mettre en œuvre cette réforme ? Pour cela, il lui faudra convaincre les fonctionnaires qu’ils ne perdront pas au change. "Une récente étude prouve que le régime de la fonction publique n’est pas systématiquement aussi avantageux que ce que l’on croit", prévient Philippe Crevel. "Un certain nombre de fonctionnaires sont moins bien traités par le système de calcul actuel que s’ils bénéficiaient du régime des salariés du privé." Résultat, "les syndicats ne seront pas forcément opposés à l’unification étant donné qu’aujourd’hui, il n’est pas sûr que tout le monde soit perdant chez les fonctionnaires avec ce changement", estime Simon Rabaté.
Sentiment d’inégalité. Toutefois, les deux économistes s’accordent à dire qu’un "sentiment d’inégalité persiste au sein de la population". "Quand on parle d’allongement de la durée de cotisation, de report de l’âge de départ à la retraite, si dans le même temps les modes de calcul restent différents, il y a le sentiment que les efforts sont plus faits par les salariés du privé que par les fonctionnaires", précise Philippe Crevel. Résultat, cette unification pourrait être la première pierre d’une réforme plus globale du système de retraite. "Tant que le sentiment d’inégalité persistera, il ne sera pas possible de faire adhérer l’ensemble des Français à une réforme portant sur l’ensemble du système : cotisation, âge…", avance l’économiste.
Réforme nécessaire. Or, une réforme globale est nécessaire. La France comptera 25 millions de retraités en 2030, contre 16 millions aujourd’hui. Un accroissement qui va se heurter à l’équilibre financier fragile du système de retraite. "Les fortes hausses de cotisations sociales appliquées par François Hollande ont permis d’équilibrer les régimes de base. Mais leur effet va s’estomper et on va retrouver des déficits", prévient Philippe Crevel.
" L'unification pose un certain nombre de problèmes "
Aller plus loin. Il faudra donc reposer la question du départ à 65 ans. Chose qu’Emmanuel Macron a promis de ne pas faire durant son quinquennat. "Mais le sujet reviendra sur la table d’ici là, quel que soit le président de la République", assure le directeur du Cercle de l’épargne. A moins que le candidat d’En Marche échafaude "une réforme où le niveau de la pension s’ajuste automatiquement au niveau d’espérance de vie. Dans ce cas, le système s’adaptera à l’augmentation des déficits. Donc il n’y aura pas besoin d’augmenter les bornes d’âge de départ et de taux plein", nuance Simon Rabaté.
Avancer pas à pas. Avant d’envisager ces réformes plus approfondies, Emmanuel Macron serait de toute façon contraint de plancher longuement sur la simple unification des régimes de retraite. Un casse-tête, selon Philippe Crevel : "Cela pose un certain nombre de problèmes. Comment traite-t-on les salariés qui ont commencé à cotiser dans le système actuel ? Est-ce que le régime unique concernera juste les nouveaux entrants, ou est-ce qu’on intégrera les travailleurs actuels dans le nouveau système ?". A toutes ces interrogations, Emmanuel Macron n’apporte pour l’instant pas de réponse.