Retraites : la fin des régimes spéciaux peut-elle aggraver la pénurie de personnel à la RATP ?

Les syndicats craignent que la réforme des retraites n'aggrave la pénurie de personnel au sein de la RATP. © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
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Romain Rouillard

Confrontée à d'importantes difficultés de recrutement, la RATP va devoir composer avec la réforme des retraites. La fin des régimes spéciaux au sein de la régie, prévue pour le 1er septembre 2023, fait craindre aux syndicats une vague de démissions, une baisse d'attractivité du métier et des répercussions sur le trafic.

D'interminables temps d'attente, des bus qui n'arrivent jamais, des quais et des rames de métro surchargés aux heures de pointe... Un tableau bien sombre qui illustre pourtant le quotidien de plusieurs millions d'usagers de la RATP. La qualité dégradée de l'offre de transport en Île-de-France transforme certains trajets en véritable chemin de croix. Une situation qui découle de divers dysfonctionnements auxquels la Régie autonome des transports parisiens peine à répondre : vétusté du matériel, absentéisme récurrent mais aussi et surtout difficultés de recrutement . Notamment du côté des conducteurs de bus , métro ou RER, trop peu nombreux à ce jour. Et la réforme des retraites , présentée mardi par la Première ministre Élisabeth Borne , suscite un vent de pessimisme.

En cause, la disparition imminente du régime spécial de retraite auquel sont affiliés les salariés de la RATP et qui leur permettait de faire valoir leur droit à la retraite dès l'âge de 52 ans. Une disposition spéciale qui entendait répondre aux contraintes inhérentes au métier de machiniste (travail le week-end, horaires décalés notamment). Mais dès le 1er septembre 2023, toutes les nouvelles recrues de la RATP basculeront sur le régime général. Si les salariés déjà en poste conserveront leur régime actuel - en vertu de la "clause du grand-père " - l'allongement de la durée de cotisation et le report de l'âge légal de départ s'appliqueront à eux dès maintenant.

"Plus personne ne voudra faire le métier de machiniste" 

De quoi faire fulminer Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral FO transports à la RATP. Auprès d'Europe 1, il fait part de ses craintes quant à l'avenir de la régie. "Déjà qu'aujourd'hui on n'arrivait pas à recruter, si on supprime les derniers éléments qui rendaient le métier attractif, plus personne ne voudra faire le métier de machiniste", s'étouffe-t-il. Selon lui, cette réforme ne fera qu'accroître les obstacles au recrutement qui se dressent devant la RATP et privera les usagers d'un retour à une offre de transport complète. "Les Franciliens doivent comprendre que la qualité du service qu'ils avaient avant la crise du Covid , c'est fini !", clame-t-il.

Pis, Jean-Christophe Delprat s'inquiète d'une possible vague de démissions qui engendreraient encore davantage de difficultés sur le réseau francilien exploité par la RATP. "Tout le monde va être touché par cette réforme. Les plus anciens seront impactés par l'accélération de la réforme Touraine [allongement de la durée de cotisation, NDLR] et les plus jeunes par le report de l'âge légal. Et les futures recrues ne bénéficieront de rien du tout. Beaucoup de collègues me sollicitent aujourd'hui pour savoir comment quitter la RATP", avoue-t-il. 

L'optimisme de la RATP

De son côté, la RATP estime ne pas être en mesure de s'exprimer quant à l'attractivité du métier suite à la réforme des retraites. Le groupe assure en revanche avoir recruté tous les agents nécessaires en 2022 et prévoit aussi d'embaucher 400 conducteurs de métro supplémentaires en 2023. La régie fait également valoir une amélioration du service sur les derniers mois alors que son nouveau PDG, Jean Castex , a promis, lors d'une conférence de presse ce vendredi, un retour à la normale d'ici à la fin du printemps sur le métro et le RER et annoncé une revalorisation des bas salaires pour les métiers de maintenance. 

Un optimisme que ne partage pas Jean-Christophe Delprat. "Au regard de la situation aujourd'hui, ça me semble très compliqué. Car pour retrouver une offre à 100%, il faudrait qu'il n'y ait plus le moindre problème de recrutement. En six mois, ça m'a l'air un peu présomptueux", conclut-il. Pour exprimer leur opposition à la réforme des retraites, plusieurs syndicats participeront à une vaste mobilisation le 19 janvier prochain