Pas question pour le patronat de taxer les entreprises pour combler le déficit des retraites complémentaires. Le Medef, la CGPME et l'UPA, les trois principales formations patronales, viennent de boucler un ensemble de propositions de réforme pour l'Arrco (qui gère toutes les retraites complémentaires du privé) et l'Agirc (qui gère celles des cadres du privé). Un traitement de choc qui, s'il était repris par le législateur, raboterait radicalement les retraites des salariés du privé. Décryptage.
Arrco et Agirc, deux grands malades. Lorsque vous êtes salarié du privé, votre patron et vous-même reversez une part de votre salaire en guise de cotisation pour votre retraite. Une grande partie de ces cotisations est reversée à la Sécurité sociale, qui gère le régime général des retraites. Une autre est versée à l'Arrco, qui gère les retraites complémentaires, voire à l'Agirc, si vous êtes cadre. Pour un salarié gagnant environ 1.600 euros par mois par exemple, la Sécu percevra 6,65% du salaire, l'Arrco 3%. Mais face à l'afflux de retraités et la hausse du chômage, les finances de l'Agirc et l'Arrco diminuent comme peau de chagrin. Si rien n'est fait, leurs réserves seront épuisées à l'horizon 2018 pour l'Agirc et 2027 pour l'Arrco.
Pas de taux plein avant 67 ans ? L'objectif du patronat est donc clair : décaler l'âge de départ à la retraite pour faire des économies. Le Medef et ses deux alliés proposent ainsi une batterie de mesures douloureuses pour les retraités et futurs retraités, pour un montant total d'économies évalué à 8,3 milliards d'ici à 2020, 12,1 milliards d'ici à 2030 et 17 milliard d'ici à 2040.
La mesure la plus douloureuse consiste à reculer à 67 ans l'âge auquel les futurs retraités (à partir de la génération née en 1957) pourront toucher une retraite complémentaire à taux plein, contre 62 ans aujourd'hui et 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler tôt. Si vous souhaitez partir à la retraite avant, votre retraite complémentaire subirait alors une décote : de 40% pour un départ à 62 ans, puis de 30% à 63 ans, 18% à 64 ans, de 2% à 65 ans et de 1% à 66 ans.
Prenons un exemple. Imaginons que vous souhaitez partir à la retraite à 62 ans, et non à 67. Vous avez cotisé 42 anuités, et vous pouvez donc prétendre à une retraite du régime général (celle versée par la sécu) à taux plein. Avec la réglementation actuelle, devez toucher 2.000 euros de pensions du régime général, et 1.000 euros de retraites complémentaires, soit 3.000 euros au total. Si la réforme du Medef entrait en vigueur, et si vous voulez toujours partir à 62 ans, vous ne toucheriez plus que 40% des 1.000 euros de la retraite complémentaire. Votre retraite totale s'élèverait alors à 2.400 euros, contre 3.000 euros aujourd'hui.
Les veufs mis à contribution ? Les autres mesures demandent aussi de lourds efforts aux futurs pensionnaires. Aujourd'hui, les retraites complémentaires sont par exemple revalorisées en fonction de l'inflation. Le patronat propose de garder le chiffre du montant de l'inflation… et d'y soustraire 1,5 point, afin qu'elles augmentent moins vite. Autre piste : le relèvement de 55 ans à 60 ans de l'âge minimum pour toucher une pension de réversion, la part de la pension d'un défunt versé à sa veuve ou son veuf. Le taux de cette pension serait également abaissé.
Les négociations s'annoncent serrées. Patronat et syndicats ont jusqu'à fin juin pour se mettre d'accord. Les négociations s'annoncent serrées et il y a peu de chance que l'intégralité des mesures du patronat soient reprises dans leur intégralité. Mais en plaçant la barre haute, le Medef et ses alliés comptent obtenir des avancées réelles. Et donc des efforts côtés salariés. "On savait que la négociation ne serait pas simple, elle se complexifie", juge ainsi Philippe Pihet de FO, estimant que le ton du Medef s'est "durci". "On est d'accord sur une partie des solutions, mais les efforts demandés sont excessifs", a pour sa part commenté Jean-Louis Malys (CFDT), qui enchaîne : "on a l'impression que le patronat veut le beurre et l'argent du beurre".