Pendant que les marins bloquaient l'accès au port de Calais, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a décidé vendredi de la liquidation judiciaire de l'entreprise coopérative SeaFrance. Une nouvelle étape dans un bras de fer qui oppose la Scop à Eurotunnel et à la compagnie danoise DFDS pour l'exploitation des ferrys qui traversent la Manche.
"La Scop SeaFrance n'existe plus", a tranché le tribunal boulonnais, alors que le ministère public réclamait une poursuite d'activité pendant six mois. Grâce au placement en liquidation, les 487 salariés pourront être payés, leur entreprise n'ayant plus la trésorerie pour le faire. Mais malgré cette fermeture, la saga des ferrys transmanche pourraient bien continuer.
Une proposition du gouvernement … La semaine dernière, le gouvernement avait proposé une solution aux trois acteurs du dossier : SeaFrance, qui emploie les marins ; Eurotunnel, qui possédait les trois bateaux transportant passagers et marchandises ; et DFDS, qui a racheté deux des trois ferrys pour faire les rotations entre Douvres et Calais (sans SeaFrance). Après une réunion avec le ministre des Transports Alain Vidaliès, proposition a été faite de liquider SeaFrance - ce qui a été décidé vendredi - avant de créer une nouvelle Scop, qui embaucherait 150 des 487 salariés initiaux et ferait voguer un des trois navires. Le gouvernement proposait également que l'entreprise danoise DFDS reprenne 230 employés pour faire tourner ses bateaux. "Dans un délai de trois mois", le ministre s'engageait à "obtenir une solution pour chaque salarié".
… mal accueillie. Mais cette solution ne semblait pas convenir à des centaines de marins, qui s'attendaient à la liquidation de leur société coopérative, ce qui ne les a pas empêché de lancer le mouvement. Ils bloquent toujours vendredi les bretelles d'accès au port de Calais avec des tas de pneus incendiés pour défendre MyFerryLink, la marque qui gère les rotations et qui les salarie. Le président du port de Calais, Jean-Marc Puissesseau, a dénoncé vendredi après-midi le coup de force des marins, la "goutte d'eau qui fait déborder le vase".
"Que les marins de la Scop luttent pour leur emploi, moi, je n'ai pas de problèm. Mais depuis un mois, le port est livré au bon vouloir du syndicat Maritime Nord", largement majoritaire au sein de SeaFrance, grogne Jena-Marc Puissesseau, qui évalue les pertes à plus de 7 millions d'euros depuis le tout début du mouvement. "On nous a complètement laissé tomber ! L'Etat ne nous a jamais tenus au courant", a-t-il déploré, craignant que l'image du port de Calais ne souffre du mouvement.
Les salariés de feu SeaFrance réclament que davantage d'emplois soient sauvegardés et s'estiment lésés par rapport à la marseillaise SNCM (aidée par le gouvernement), selon Eric Vercoutre, secrétaire général du syndicat Maritime Nord. Le syndicaliste voudrait aussi que chaque marin, qui avait engagé de l'argent dans la Scop SeaFrance, retrouve sa mise de départ. Jeudi, une réunion des acteurs impliqués dans le dossier "n'a pu aboutir à un accord global" mais "des négociations directes entre les parties se poursuivront", avait annoncé le ministre Alain Vidalies.