Et le débat refait surface : faut-il travailler davantage ou moins, après le confinement imposé pour lutter contre le coronavirus, afin de relever l'économie ? C'était la proposition du patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui défendait le mois dernier une négociation au cas par cas pour déroger au droit du travail. Critiqué par les autres partenaires sociaux, il s'était ensuite ravisé. Mais mercredi, l'économiste de l'Institut Montaigne Bertrand Martinot reprend cette idée et avance sur Europe 1 plusieurs propositions pour relever l'économie, issues d'une note de son institut (voir encadré ci-dessous).
Tout part, selon l'économiste et ancien conseiller social à l'Élysée, d'un constat : "Les entreprises subissent des pertes colossales et vont avoir des pertes de productivité très importantes", déplore-t-il. "Il va y avoir des sujets sur les rémunérations et les temps de travail."
"Arrangements" à trouver
Bertrand Martinot préconise "une augmentation au cas par cas, décentralisée, du temps de travail qui peut permettre de préserver l'emploi et le pouvoir d'achat".
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"Il ne s'agit pas de faire sauter la législation du temps de travail", ni de "revenir aux 39 heures ou faire les 35 heures à l'envers", se défend le représentant de l'Institut Montaigne, think-tank libéral. Il faut, selon lui, "introduire une possibilité de revenu différé, comme payer des rachats de jours RTT de manière différée, via des mécanismes de participation et d'intéressement l'année prochaine" car "le travail doit payer de toute façon". "Il faut trouver des arrangements temps de travail-rémunération profitables à tout le monde", prône l'économiste.
Des "sacrifices" mesurés ?
Quelle forme cette adaptation au cas par cas pourrait-elle prendre ? "Avec des salariés autonomes, en télétravail par exemple, on peut aller chercher ses enfants à 16h30 et se reconnecter à 21h30 et travailler jusqu'à 22h30", imagine par exemple Bertrand Martinot, d'après qui cette "norme" du repos journalier de 11 heures consécutives "n'est déjà plus totalement respectée, les cadres en télétravail le savent très bien."
C'est au prix d'adaptations temporaires le temps que la productivité reparte, selon l'Institut Montaigne, qu'on pourra "éviter l'effondrement de l'économie", estime Bertrand Martinot. Qui minimise l'ampleur de ses propositions : "Historiquement, on a exigé des Français beaucoup plus de sacrifices que ce qui est proposé dans cette modeste note."
Le détail des mesures proposées par l'Institut Montaigne
Le think tank libéral propose d'"assouplir quelques verrous juridiques persistants" en permettant aux entreprises de "déroger au temps de repos minimum quotidien de 11 heures minimum par jour dans le cadre d'un accord sur le droit à la déconnexion", ou en autorisant l'employeur "à titre temporaire (par exemple jusqu'en 2022) à imposer le rachat de jours de RTT pour les salariés au forfait sans majorations".
L'Institut Montaigne souhaite également un "accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises". Par exemple, en intégrant le versement des heures supplémentaires "dans la formule de calcul de la réserve minimale de participation versée l'année suivante", voire ultérieurement.
Autres mesures défendues : la suppression du jeudi de l'Ascension comme jour férié, en maintenant les écoles ouvertes, et la suppression en 2020 de la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint.
La fonction publique fait l'objet de plusieurs propositions, telles que la hausse temporaire de la durée de travail pour les fonctionnaires de secteurs indispensables "en contrepartie d'une rémunération supplémentaire et après concertation avec les organisations syndicales". Pour être crédible, l'Etat devrait d'abord solder les heures supplémentaires impayées, suggère l'Institut.
La note prône également d'"accroître les catégories éligibles aux forfaits jours dans la fonction publique" et d'y diminuer temporairement le nombre de RTT.