Bruxelles s’oriente vers une nouvelle directive européenne concernant les travailleurs détachés. Ce texte sera présenté aux ministres européens du Travail aujourd'hui puis soumis au vote des députés européens trois jours plus tard. Un projet de réforme qui répond partiellement aux attentes de la France. Le travailleur détaché aura le même salaire, les mêmes primes et les mêmes remboursements de frais que le salarié national, et la durée maximale de sa mission sera de 24 mois. Au-delà, le droit du travail du pays d'accueil sera automatiquement appliqué. Emmanuel Macron avait demandé une limitation à 12 mois, l’objectif étant d'éviter la concurrence déloyale entre les entreprises.
"Une vraie pénurie de main-d’œuvre". En marge de cette refonte, un employeur de travailleurs détachés a accepté de se confier au micro d’Europe 1 sur cette pratique peu appréciée, et notamment par les syndicats. Pour Philippe, chef d’une entreprise normande du BTP, il en va aussi de la survie du secteur du bâtiment. Ce patron emploie environ 200 salariés en CDI, et depuis une dizaine d’année presque autant de travailleurs détachés. "Simplement parce que je n’ai pas le choix, nous souffrons d’une vraie pénurie de main-d’œuvre", plaide-t-il. "Nous n’avons pas la possibilité de recruter autrement, sans eux, on réduirait notre chiffre d’affaire de 70% !", assure-t-il.
Pour ce responsable, les travailleurs étrangers sont devenus indispensables à la survie de son entreprise, mais aussi, plus paradoxalement, au maintien d’une certaine compétitivité française. "Sans eux, je divise mon chiffre d’affaires par trois, avec aussi une perte d’emplois pour les travailleurs français puisqu’une partie de l’encadrement est assurée par des Français. Je suis sûr que, dans notre branche, sans eux, on ne pourrait pas faire ce que l’on fait aujourd’hui. Sans ces gens-là, il y aurait des contrats de perdus pour la France".
Un coût de revient quasi identique à celui des travailleurs nationaux. Philippe assure également que le coût de revient des travailleurs détachés est devenu aussi élevé que ceux des travailleurs français. "On n’a pas une économie sur les prix importantes : s’ils payent moins de charges sociales dans leur pays, nous avons à notre charge tous les frais de déplacements à payer. Les prix de l’heure sont quasiment identiques à ceux des travailleurs français". Le recrutement de travailleurs détachés reste donc avant tout une question de qualification et de main d’œuvre pour ce chef d’entreprise qui ne comprend pas la persistance du chômage, alors qu’il recherche toujours, vainement, des dizaines de salariés locaux.