C'est une mesure qui ne passe pas forcément bien pour les les habitants de 6.000 communes. Alors que la première baisse de la taxe d'habitation, de 30%, concerne 80% des Français pour cette année, les maires de ces communes ont décidé d'augmenter le taux de cet impôt pour compenser le manque au niveau local. C'est le cas de Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, et secrétaire général de l'Association des maires de France. Il a fait passer le taux de sa commune de 20,63% à 22,03%, soit une augmentation de 6,7%. Il est venu défendre une décision assez impopulaire dans Le Tour de la question avec Wendy Bouchard, lundi, sur Europe 1.
"Il y a 6.000 communes qui ont augmenté la taxe d'habitation, sur un peu plus de 35.000. L'année dernière, c'était à peu près le même nombre. Mais cette année, ça se voit. Elle baisse quand même pour les 80% de Français concernés par la mesure : si le gouvernement la diminue de 30%, et que je l'augmente de 6%, elle baisse de 24%. En revanche, pour les 20% des ménages qui ne connaissent pas la baisse, pour les plus aisés, c'est plein pot. Dans ma commune, nous n'avions pas bougé les taux depuis dix ans. Or, entre 2013 et 2017, on a perdu 3 millions d'euros par an à la fois de dotations de l'État et de prélèvements au titre de la solidarités entre les communes. En 2014, j'avais une recette de fonctionnement de 5 millions d'euros. Aujourd'hui, c'est 2 millions d'euros. La hausse de la taxe d'habitation ramène un peu plus d'un million d'euros, donc ça ne compense même pas le manque."
Une taxe qui sert à financer les crèches et les écoles. "Pourquoi nous avons fait ça ? Nous avons fait des économies et tenu le coup pendant un certain nombre d'années, mais là nous avons décidé de ne pas fermer de services publics, nous assumons totalement. Nous avons aussi décidé de maintenir notre niveau d'investissement pour continuer à entretenir notre territoire et le développer pour les générations futures. Notre responsabilité, c'est d'assurer le niveau de services publics dont nos concitoyens ont besoin. Qu'est-ce que ça finance ? Ça finance pour pratiquement 60% tout ce qui concerne l'enfance et la jeunesse, c'est-à-dire les crèches, les écoles et les centres de loisirs qui sont de plus en plus développés. Si on nous supprime les 13 millions de recettes, et qu'il n'y a pas de compensation, on ferme tout dans ma commune."
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Une décision "assez bien comprise" ? "Les élus locaux sont des gens responsables. Vous croyez vraiment que les maires de France, lorsqu'ils appartiennent à un parti, vont consulter la direction de leur formation politique avant de prendre une mesure comme ça ? Ils ont présenté cette délibération à leur conseil municipal, et le conseil municipal l'a votée. Il y a eu ici ou là des tensions, mais ça arrive toujours. Lorsque nous expliquons pourquoi nous avons été amenés à faire ça, c'est assez bien compris car les gens voient ce qui se passe."
Des "cadeaux" avec l'argent des municipalités. "L'État promet une compensation, mais on connaît ces compensations : il y avait des promesses comme celles-là sur la taxe professionnelle, sur la vignette automobile… D'abord elles ne sont jamais intégrales, et ensuite elles ont tendance à diminuer, la confiance est relativement limitée. Quand on aura supprimé la taxe d'habitation, il n'y aura plus de dégrèvement et il faudra qu'on trouve 20 milliards de recettes supplémentaires. Le système de remplacement doit être fixé avant l'été 2019. Si l'État faisait des cadeaux avec de l'argent qui lui appartient, nous n'aurions rien à dire, mais là, il fait des cadeaux avec de l'argent qui vient financer nos politiques locales. Nous sommes inquiets pour la suite."