La lutte contre le tabagisme semble porter ses fruits : un million de fumeurs quotidiens ont arrêté en l’espace d’un an, selon des chiffres de l’agence Santé publique France rendus publics lundi. Désormais, 12,2 millions des 18-75 ans fument chaque jour, contre 13,2 millions il y a un an. Une bonne nouvelle pour la santé des personnes concernées et… pour les caisses de l’État. En effet, malgré une baisse logique des recettes issues des taxes, cette forte réduction du nombre de fumeurs implique des effets bénéfiques pour la Sécurité sociale.
Moins de fumeurs, moins de taxes perçues. Pour se faire une idée de l’impact financier de la baisse d’un million du nombre de fumeurs, il faut se livrer à quelques calculs simples, en extrapolant les chiffres de Santé publique France sur la tranche d’âge 18-75 ans. Un fumeur français allume en moyenne 10 cigarettes par jour, soit un paquet consommé tous les deux jours. Rapporté à une année, on obtient un total de 182 paquets achetés. Un million de fumeurs en moins, c’est donc environ 182 millions de paquets qui restent sur les étals des bureaux de tabac.
Avec l’augmentation des prix engagée par le gouvernement, le paquet de cigarettes classique coûte désormais autour de huit euros (objectif 10 euros en 2020). Environ 80% du prix est composé de taxes diverses versées à l’État, soit 6,40 euros. En multipliant le nombre de paquets non achetés par le million d’ex-fumeurs, on aboutit donc à un total de 1,16 milliard d’euros en moins par an dans les caisses de l’État.
Un euro de plus qui rapporte beaucoup. Mais cette perte sur douze mois est en réalité compensée dans le même temps par la hausse du prix du paquet de cigarettes. L’augmentation de un euro entre le printemps 2017 et le printemps 2018 a rapporté environ 2,2 milliards d’euros à l’État, soit le montant des taxes perçues sur les 2,2 milliards de paquets achetés par les 12,2 millions de fumeurs français. La hausse des prix compense ainsi largement et sans délai la baisse des recettes induite par le fort recul du nombre de fumeurs.
NB : ces chiffres ne donnent qu’une estimation partielle puisqu’ils ne prennent pas en compte la consommation des moins de 18 ans et des plus de 75 ans et mettent de côté l’achat de cigarettes à l’étranger ou au marché noir, dont les recettes échappent à l’État.
Mais c’est surtout sur le long terme que la baisse de la consommation quotidienne de cigarettes est bénéfique pour les finances de l’État. En effet, le tabac coûte cher à la Sécurité sociale : 25,9 milliards d’euros par an en dépenses de soins pour les maladies liées au tabac (cancers, pathologies cardiovasculaires et respiratoires), selon une étude réalisée en 2015 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFTD).
Le coût des années perdues. En plus des dépenses de soins, l’auteur de l’étude, le professeur d’économie Pierre Kop, a calculé le "coût d’une année de vie", comme il l’explique à La Croix, en incluant différents critères comme la production d’un individu, la qualité de vie, etc. Résultat : "le coût d’une année de vie (perdue) est de 115.000 euros". Par exemple, une femme qui meurt à 65 ans à cause du tabac perd 20 ans d’espérance de vie (une Française peut aujourd’hui espérer vivre 85,3 ans en moyenne). Pour l’État, cela représente un manque à gagner de 2,3 millions d’euros en travail, consommation, impôts…
Avec 79.000 morts prématurées chaque année en France, le tabac coûte donc très cher à l’État : plus de 120 milliards d’euros en 2015, selon l’OFTD. L’évolution à la baisse du nombre de fumeurs est logiquement une bonne nouvelle pour l’État mais aussi pour l’économie en général. Il a en effet été montré que la consommation de tabac détourne une partie des revenus des fumeurs : quand ils arrêtent, ils ne font pas d’économies nettes mais redirigent leur budget alloué aux cigarettes vers d’autres postes (alimentation, loisirs…), favorisant ainsi la consommation et in fine, la bonne santé du pays entier.
*Enquête aléatoire représentative de la population des 18-75 ans menée auprès de 25.319 individus entre janvier et juillet 2017 dans le cadre du 9ème Baromètre annuel de Santé publique France.