La nouvelle risque de mal passer pour les anciens employés de Whirlpool à Amiens. Un an après la délocalisation de l'usine de fabrication de sèche-linge vers la Pologne, qui a laissé 286 salariés sur le carreau, des documents officiels démontrent que l'ancien site a profité de dégrèvements fiscaux conséquents lors du paiement de deux taxes. Des ristournes qui s'élèvent à 370.000 euros entre 2017 et 2018, selon France Bleu Picardie, qui révèle l'information.
Pour le paiement de sa taxe foncière, le leader mondial de l'électroménager a obtenu en 2017 une exonération fiscale de 167.778 euros sur les 497.504 euros dus aux impôts français. Une pratique "assez courante" selon un avocat fiscaliste.
Pour ce faire, le groupe Whirlpool a fait appel à un cabinet spécialisé de la région parisienne. Celui-ci a examiné les déclarations de biens de l'entreprise pour ensuite relever tout ce qui pourrait être déduit des impôts. Ce cabinet a par ailleurs perçu 64.426 euros pour sa prestation, soit 32% du montant de l'exonération.
Les documents révèlent aussi que le groupe américain a bénéficié en 2018 d'une exonération importante pour le paiement de la taxe sur la cessation d’activité. Alors qu'il devait payer la somme de 355.112 euros avant de délocaliser son usine, Whirlpool n'en a reversé que la moitié au service des contentieux du centre des impôts, soit 207.151 euros. L'entreprise se serait acquittée de cette taxe en début d'année 2018 puis, lors de la fermeture du site d'Amiens au moins de juin, aurait demandé à être remboursée pour les sept derniers mois de l'année. L'administration fiscale ainsi que l'entreprise n'ont pas souhaité s'exprimer sur ce sujet.
"Je trouve cela un peu injuste"
Si ces démarches sont tout à fait légales, elles font grincer les dents des anciens salariés du site amiénois. "Où est la morale ?", s'indigne un ancien délégué syndical de Whirlpool Amiens. S'il n'est "pas surpris", Patrice Sinoquet, ancien secrétaire du comité hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Whirlpool, "trouve cela un peu injuste". "J'aurais préféré voir cet argent-là basculer dans la caisse du congé de reclassement ou autre."
De son côté, Fiodor Rilov, l'avocat d'une grande partie des anciens salariés Whirlpool, n'est pas non plus étonné par ces montages fiscaux, qu'il qualifie d'"arrangements avec le fisc". Il souligne que s'ils choquent, ils "ne représentent que la partie émergée de l'iceberg".