Le 10 juillet dernier, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron ne cachait pas sa satisfaction : la loi Macron était enfin adoptée au terme d’une longue bataille parlementaire. Mais malgré ce passage en force, les commerces situés dans les futures zones de tourisme international (ZTI) sont loin de pouvoir ouvrir tous les dimanches et en soirée. Ils doivent pour cela négocier avec les organisations syndicales et les mairies, sauf que le courant ne passe pas du tout. Ainsi, alors que toutes les parties doivent donner leur avis sur les ZTI parisiennes d’ici lundi soir, la négociation vire déjà au dialogue de sourd : les positions de chacun sont pour l’instant tout sauf compatibles.
La loi Macron change la donne dans le commerce. Pour rappel, l’un des objectifs de la très touffue loi Macron est de faciliter la vie des commerçants pour stimuler l’activité économique. D’abord en accordant aux maires le droit d’autoriser les commerces à ouvrir jusqu’à douze dimanches par an. Ensuite en créant des ZTI dans lesquelles les commerces pourront ouvrir tous les dimanches et jusqu’à minuit. A condition que le salarié soit volontaire et obtienne une compensation. Mais avant d’en arriver là, les commerces attendent de savoir s’ils sont situés dans une ZTI, dont les contours seront officialisés par un décret attendu d’ici la fin du mois. Une première version proposée par le gouvernement a rapidement été critiquée pour englober des zones qui n'ont pas de rapport évident avec le tourisme international. La concertation ouverte jusqu’à lundi minuit porte justement sur ces délimitations qui ne font pas vraiment consensus.
Les commerçants en veulent plus. Les grands magasins concernés par la carte des futures ZTI ont déjà dévoilé leur position : si le zonage proposé leur pose problème, c’est parce qu’ils le jugent trop limité. Ainsi, l’Alliance du commerce, qui regroupe plusieurs grandes enseignes (C&A, Printemps, Monoprix, Galeries Lafayette, etc.) a envoyé vendredi une lettre au ministre de l’Economie pour lui demander d’élargir les ZTI. A leurs yeux, ces dernières devraient aussi englober le quartier du Marais, l’ensemble des Champs Elysée, le quartier de Montparnasse, la place de la Madeleine, ainsi que toutes les gares de Paris. Bref, les grandes enseignes veulent aller encore plus loin, alors même qu’ils ne sont pas assurés de pouvoir ouvrir tous les dimanches. Car pour cela, il faudra arracher un accord aux syndicats.
Les syndicats préparent un combat frontal. Ces derniers sont sur une ligne diamétralement opposée : ils veulent des ZTI plus restreintes, et surtout qui aient un sens, voire leur suppression pure et simple. La mobilisation a d’ailleurs déjà commencé : Clic-P, le Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris, appelle à la grève mardi et organise un rassemblement devant le ministère de l’Economie à 11 heures. Sans oublier un mouvement interprofessionnel le 8 octobre, puis un autre le 15 octobre, date de fin de la consultation sur l’ouverture dominicale de gares parisiennes.
Autant dire que le dialogue avec les employeurs s’annonce compliqué, alors que ces derniers doivent obtenir un accord pour pouvoir ouvrir le dimanche. Certaines entreprises réfléchissent donc à contourner les représentants syndicaux parisiens en proposant un accord de branche. Une manœuvre que le Clic-P a déjà anticipé : "nous appelons l’ensemble des organisations syndicales à refuser de signer tout accord et à respecter la volonté des salariés", précise son dernier communiqué.
Et la mairie de Paris boycotte les discussions. La concertation qui se clôt lundi soir inclut également la mairie de Paris. Sur ce front là, les discussions sont tout aussi compliquées, voire inexistantes : la mairie de Paris refuse d’y participer, estimant ne pas avoir son mot à dire. "Nous ne sommes pas considérés comme codécisionnaires, il est hors de question que nous répondions sur le fond. Il n'y aura pas de compromis. La carte des ZTI est nulle et non avenue. Nous n'entrons pas dans le détail des périmètres", a ainsi prévenu l’entourage de la maire de Paris dans les colonnes du Journal du Dimanche. Un rendez-vous entre la maire Anne Hidalgo et Emmanuel Macron est bien prévu mais rien n’indique qu’il permettra d’apaiser les tensions : le 4 septembre dernier, l’édile parisienne déclarait même avoir été "maltraitée" par ce passage en force du ministre de l’Economie. Pire encore, la maire menace de déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le travail dominical pour lutter contre le "tourisme consumériste".
Dans ce contexte de fortes dissensions, les futures ZTI pourraient donc ne pas être lancées d’ici début 2016, comme l’espère Bercy. Voire devenir inapplicables si syndicats et employeurs n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les compensations pour les salariés concernés. Ce qui fait dire à Nicolas Barré dans son Edito éco que cette réforme présentée comme un big bang pourrait au final ne rien changer :
Travail dominical : il ne faut pas oublier les...par Europe1fr