[Ecoutez la suite de ce récit dans le deuxième épisode, disponible dès demain sur toutes les plateformes d’écoute.] Découvrez l’histoire d’Artémise, reine, cheffe de guerre et combattante durant l’Antiquité, racontée par l’historienne Virginie Girod dans un récit en deux épisodes inédits. Nous sommes au Ve siècle avant J.-C. dans la région de la mer Égée, séparant la côte est de la Grèce et la côte ouest de l’actuelle Turquie. Fille du roi d’Halicarnasse, Artémise est à son tour reine d’Halicarnasse en Asie Mineure. Son suzerain, le roi perse Xerxès Ier, rêve de conquérir la Grèce continentale. Pour y parvenir, le roi des rois lève une gigantesque armée. Tous ses vassaux, dont Artémise, fournissent des hommes et des armes. De l’autre côté de la mer Égée, les différents chefs des cités-états grecques n’ont pas conscience du stratagème perse. Pourtant, sur les conseils de Thémistocle, ils s’unissent par précaution, en cas d’attaque. Alors qu’en juin 480 avant J.-C., les Perses marchent victorieusement sur le nord de la Grèce, à Athènes, la résistance s’organise…
Retrouvez Virginie Girod dans Madame Figaro en kiosques le 2 juin avec un portrait inédit de la Reine Artémise. https://madame.lefigaro.fr
"Au Cœur de l’Histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Sujets abordés : Antiquité - Grèce - Reine - Mer Égée - Guerre - Épique
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Ecriture et présentation : Virginie Girod
- Production : Camille Bichler (avec Florine Silvant)
- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud
- Réalisation : Clément Ibrahim
- Musique originale : Julien Tharaud
- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Communication : Kelly Decroix
- Visuel : Sidonie Mangin
Nous sommes dans la baie de Salamine, en mer Égée, en septembre 480 av. J.-C.
Depuis la veille, le roi perse Xerxès Ier positionne ses navires de manière à barrer l’accès de la baie de Salamine. La flotte grecque se trouve là, près de 300 navires de guerre qui couleront bientôt dans les fonds marins et symboliseront la soumission des Athéniens.
Au petit matin, Xerxès lance l’attaque… Mais rien ne se passe comme prévu. Les bateaux perses trop nombreux à s’engager dans la baie étroite s’entrechoquent et certains se coulent même entre eux.
Profitant de cette pagaille, le stratège grec Thémistocle ordonne à sa flotte d’attaquer. C’est un véritable carnage qui commence.
Le navire de la reine Artémise est bientôt poursuivi par un bateau grec. La reine ordonne un repli mais sa route est barrée par le navire du roi Damasithymos, un allié perse. Pour échapper au bateau qui cherche à la couler et aux grecs qui ont mis sa tête à prix car elle est une femme chef de guerre, elle n’a pas le choix, elle doit se replier mais si elle continue à filer tout droit, elle va éperonner l’embarcation de Damasithymos…
Couler un allié ou être faite prisonnière… Artémise doit prendre une décision et vite.
Un pouvoir hérité de son père
Artémise est probablement née à la fin du VIe siècle avant J.-C. Son père est le roi d’Halicarnasse Lygdamis et sa mère est une illustre dame crétoise. La passion pour la navigation coule donc dans les veines de cette princesse au caractère bien trempé.
Pour mieux l’importance de la mer pour les Grecs, laissez-moi vous présenter la carte de la mer Égée à l’aube du Ve siècle av. J.-C., disons vers 500 avant notre ère.
La mer Égée, c’est cette portion de mer qui sépare la côte est de la Grèce et la côte ouest de l’actuelle Turquie. Dans l’Antiquité, on parle de l’Anatolie qui se situe en Asie Mineure. La limite méridionale de la mer Égée se trouve au niveau des Cyclades, ces îles grecques paradisiaques où tout est blanc et bleu.
À cette époque-là, la Grèce n’est pas unifiée. Il y a une multitude de cités-états avec des systèmes politiques différent allant de la démocratie à la monarchie. On parle alors plus souvent de dynaste ou de tyran pour qualifier un roi. Ce mot n’a pas encore une connotation négative. Ce sont des Thalassocratie, des royaumes ouverts sur la mer.
Sur la côte d’Asie Mineure, il y a de nombreuses cités-états fondées par des Grecs parfois dès le deuxième millénaire avant J.-C. Halicarnasse se trouve sur cette côte, à la confluence des cultures grecques et phéniciennes.
La cité se trouve donc dans une région d’Anatolie qu’on appelle la Carie. Elle est proche de l’actuelle ville de Bodrum en Turquie. Lorsqu’Artémise vient au monde, son royaume jadis indépendant, passe sous domination perse et son père devient le vassal du roi Darius.
Le roi Darius est un perse de la dynastie achéménide. Il met en œuvre une politique d’expansion agressive. Tous les rois des cités grecques d’Asie Mineure doivent devenir ses suzerains, sinon, leur cité sera détruite. Lygdamis reconnaît donc qu’il est inféodé à Darius : Il peut continuer à gérer librement son royaume tant qu’il paye un tribut annuel à son suzerain et qu’il lui fournit des armes et des guerriers en cas de guerre.
On ne sait pas vraiment quand Lygdamis meurt mais après sa mort, Artémise hérite de son pouvoir. Dans la partie orientale de la méditerranée, il arrive que des femmes règnent quand il n’y a plus d’hommes dans l’ordre de succession. C’est rare mais ce n’est pas une anomalie. Cependant, la chronologie du règne d’Artémise est un peu floue, on ne sait pas si elle succède tout de suite à son père ou si elle prend le pouvoir après la mort de son mari qui - d’ailleurs -serait peut-être son frère.
Quoi qu’il en soit, on sait qu’elle est mère d’un fils et son pouvoir est incontestable. De son éducation, on ne sait rien de concret. En creux, on peut imaginer qu’elle a été préparée à exercer le pouvoir et qu’elle a une bonne connaissance de la navigation. C’est difficile d’en dire davantage sans sombrer dans les tentations romanesques.
Les conquêtes de Xerxès
Depuis 486 av. J.-C., son suzerain est le roi perse Xerxès Ier, le fils de Darius. Le nouveau roi des rois a bien l’intention de continuer la politique expansionniste de son père parce que le dieu perse Haoura Mazda exige cela des rois…
Et ce dont rêve Xerxès, c’est de faire la conquête de la Grèce continentale. Il deviendrait l’homme le plus puissant du monde connu. Son empire va déjà des portes de l’Indes à l’Égypte. Quelle victoire se serait de prendre la Grèce. Et puis le contentieux avec les Grecs ne date pas d’hier… Son père a été défait par les Grecs à la bataille de Marathon en 492. Xerxès aspire à la revanche et pour lui, c’est surtout une question d’orgueil.
Dès son arrivée au pouvoir, Xerxès commence donc à lever une armée gigantesque pour partir à l’assaut de ses ennemis. Tous ces vassaux dont la reine Artémise fourniront des hommes et des armes. La souveraine d’Halicarnasse met d’ailleurs 5 navires de guerre à sa disposition et rejoint son conseil militaire. La gigantesque armée de Xerxès traversera l’Hellespont, l’actuel détroit des Dardanelles, qui séparent l’Asie de l’Europe, et fera la conquête des cités grecques côtières une à une jusqu’à la prise d’Athènes dans la région de l’Attique puis de Sparte dans le Péloponnèse…
Thémistocle prépare la guerre
Laissons Xerxès imaginer la conquête de la Grèce et allons justement à Athènes.
À ce moment-là, l’ambiance est très différente de celle de l’empire perse. Athènes, qui est une démocratie, connaît une période de prospérité sans pareil grâce à l’exploitation des nouvelles mines d’argent du Laurion. Les bénéfices sont reversés aux citoyens, tout le monde est heureux. Malgré tout, un homme est inquiet. Cet homme, c’est Thémistocle.
Thémistocle est né dans les années 520 av. J.-C. Il peut être un peu plus vieux qu’Artémise… et encore ?
Il est issu du peuple, il vient d’une famille de commerçants. Il parvient néanmoins à gravir les échelons sociaux en se faisant élire stratège d’Athènes, c’est-à-dire général en charge des affaires militaires. Il fait partie des vainqueurs de la bataille de Marathon. Il a l’intuition que la paix contre les Perses ne va pas durer longtemps. Pour lui, il vaut mieux craindre les Achéménides que les pirates de l’île d’Égine qui attaquent et pillent les bateaux de commerce grecs. Mais comme il sait que le peuple n’a pas envie d’envisager une grande guerre, il propose simplement aux citoyens d’utiliser les bénéfices des mines du Laurion pour le bien public en construisant une nouvelle flotte de guerre, la plus puissante de toute la Grèce continentale. Il est vrai que jusque-là, Athènes, qui a de vastes terres agricoles, n’est pas la cité reine de la mer Égée… et il faut au moins se défendre des pirates.
Le peuple accepte la proposition de Thémistocle. De nombreux citoyens sont alors employés sur les chantiers navals et la croissance économique de la cité continue.
Thémistocle a fait mettre au point pour ses navires de nouveaux éperons – c’est ce qu’on appelle aussi des rostres -. Il s’agit de sorte de becs renforcés par des plaques de métal qui permettent de percer un trou dans la coque du bateau attaqué pour le couler.
Recouvrir les rostres de métal pour plus de 200 bateaux, ça coute cher, mais Athènes a les moyens alors pourquoi s’en passer ? Et l’Histoire va bientôt prouver que Thémistocle a raison de préparer la guerre.
Le stratège sait qu’il ne peut pas organiser une riposte seul face à une éventuelle attaque perse. En 481 av. J.-C., il réunit tous les chefs des cités-états grecques sur l’Isthme de Corinthe pour coordonner une défense commune. Et ça passe par un préalable indispensable : les cités-états grecques doivent arrêter de se battre entre elles pour faire front commun. Même si le péril achéménide est encore imprécis, les Grecs acceptent de s’unir. Et ils ont raison.
La puissance de l'armée perse
En juin 480 av. J.-C., l’armée de Xerxès est prête à prendre la Grèce. Ses ingénieurs ont bâti un pont pour traverser l’Hellespont en mettant 674 trières côte à côte. Ce sont ces bateaux qui servent de piles à une passerelle longue de 1 kilomètre 5…
Combien de fantassins et de cavaliers traversent ce pont ? Difficile à dire, ni les chroniqueurs anciens ni les historiens modernes ne sont d’accords. Les évaluations des contingents de Xerxès vont de 5 millions d’hommes à 200 000 hommes. Il paraît raisonnable de chercher une médiane crédible. On va se de dire qu’il y a certainement plus d’un million d’hommes.
Pendant que les troupes perses traversent l’Hellespont, les soldats de Xerxès trouvent des espions grecs. Le souverain leur laisse la vie sauve, leur montre même la puissance de son armée et les invite à en avertir les Grecs. Qu’ils se préparent à entrer en guerre… s’ils l’osent.
Et au nord de la Mer Égée, ils n’osent pas. La colonne de fantassins avance comme un bulldozer le long des côtes grecques et toutes les cités tombent une à une presque sans combattre. Si elles tentent quoi que ce soit, elles seront rasées. Mieux vaut faire dos rond et prêter allégeance au Roi des roi.
À Athènes, Thémistocle est horrifié par le rapport des espions. Comment les Grecs pourront-ils résister à la puissance de l’armée Perse ?
Pour le découvrir, rendez-vous très vite pour le deuxième épisode.
Bibliographie : Violaine Sébillotte-Cuchet, Artémise, une femme capitaine de vaisseaux dans l’Antiquité grecque, Fayard, 2022.
Source : Hérodote, Histoires, Livres VII et VIII.
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