Dans le sillage de la révolution industrielle et des progrès scientifiques, la haine des Juifs et les persécutions dont ils font l’objet se transforment à nouveau. La presse de l’époque va largement contribuer à relayer les nouvelles idées antisémites. Pour parler du rôle des médias dans la diffusion de l’antisémitisme, Virginie Girod reçoit Adeline Wrona, enseignante-chercheuse à l’université Paris Sorbonne.
La fin du XIXe siècle correspond à l’âge d’or de la presse écrite, diffusée à des centaines de milliers d’exemplaires. C’est à cette période que se crée par exemple “La Croix”, un quotidien animé par des religieux catholiques. L’antisémitisme est alors un argument de vente, comme en atteste le succès du pamphlet anti-juif “La France Juive” d’Édouard Drumont. “La Croix va s'engouffrer dans l'antisémitisme et revendiquer un rôle de leader dans ce qu'on pourrait appeler un mouvement médiatique de l'antisémitisme, qui traverse largement tous les journaux français”, éclaire Adeline Wrona. “La Croix se présente comme un journal populaire, vise un lectorat qui n’a pas beaucoup d'argent. Sa façon de cultiver l'antisémitisme, ça va être aussi de condamner les riches”.
L’évolution de l’antisémitisme se perçoit aussi dans les caricatures. “Ce qui dominait jusque-là, c'était plutôt la figure du Juif errant misérable”, rappelle Adeline Wrona, “dans la deuxième moitié du XIXe siècle on voit apparaître une autre figure, le Juif riche (...) qui incarne en fait une forme de capitalisme naissant. La question de la race rejoint la question de la classe”.
C’est surtout l’affaire Dreyfus qui met en lumière ce rôle crucial de la presse. “S'il n’y avait pas eu des journaux aussi puissants, il n'y aurait pas eu d’affaire Dreyfus”, estime Adeline Wrona. Alors que le métier de journaliste n’est pas encore structuré, les titres s’appuient sur l’affaire et prennent parti pour essayer de vendre plus que leurs concurrents, quitte à inventer de fausses nouvelles. Le journal satirique antidreyfusard Psst…! est ainsi créé en réaction au “J’accuse…!” de Zola dont il reprend la ponctuation. “Sa seule ligne éditoriale, c'est que Dreyfus est coupable”, souligne l’enseignante chercheuse.
Maupassant, Zola, George Sand : les hommes et les femmes de lettres de l’époque vont également se positionner vis-à-vis de l’antisémitisme. “Ça nous dit que l'antisémitisme était la norme (...), qu’il était extrêmement difficile de ne pas reprendre un discours antisémite”, décrypte l’historienne. L’engagement de Zola en faveur de Dreyfus lui a d’ailleurs probablement coûté la vie.
Thèmes abordés : presse, média, antisémitisme, Zola, affaire Dreyfus
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio
- Présentation : Virginie Girod
- Production : Camille Bichler et Nathan Laporte
- Réalisation : Julien Tharaud
- Composition de la musique originale : Julien Tharaud
- Rédaction et Diffusion : Nathan Laporte
- Communication : Marie Corpet
- Visuel : Sidonie Mangin
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Invité(s) : Adeline Wrona