Entre 1719 et 1720 un homme bossu a réussi à faire de son handicap une source de revenu et à devenir célèbre. Découvrez son histoire dans cet épisode bonus de "Au Cœur de l'Histoire".
En écoutant le récit consacré à la première crise financière des temps modernes, la présence d'un personnage vous a peut être interpellé : le bossu de la rue Quiquampoix. Dans cet épisode bonus de "Au Cœur de l'Histoire", le spécialiste histoire Jean des Cars, vous raconte son histoire.
Vous connaissez cet homme. Ce personnage est devenu mythique grâce à un roman paru en 1859, dont le titre est "Le Bossu" et l’auteur Paul Féval. Il a été popularisé dans la version de ses aventures au cinéma, en 1959 où Jean Marais, grimé et méconnaissable en infirme courbé en deux, loue sa bosse comme un écritoire pour les souscripteurs ou endosseurs d’actions de la Banque Royale qui se bousculent.
Or, ce bossu a réellement existé : dessins satiriques, caricatures féroces, gravures de l’époque et témoignages des contemporains de la Régence l’attestent. Le théâtre de ses interventions est la rue Quincampoix. C’est une petite rue (un peu plus de 300 m), très étroite, dans le quartier du Marais à Paris où, depuis longtemps, étaient installés des orfèvres et des changeurs. Si on y maniait déjà de l’argent, c’était sans bruit ni agitation.
Mais sous la Régence, pendant la minorité de Louis XV, avec l’ouverture, dans cette rue, de la Banque Royale dirigée par le financier John Law, la spéculation atteint des proportions jamais vues. Law, d’origine Ecossaise, avait eu l’idée de remplacer les espèces "sonnantes et trébuchantes", c’est à dire les pièces d’or et d’argent, par des billets en papier dont la contre-valeur est garantie par une réserve métallique.
Le petit bossu fait fortune
La spéculation donne la fièvre à la rue Quincampoix : on achète pour revendre, on revend pour acheter en encaissant, croit-on, de mirifiques bénéfices. Tout se passe très vite. Au milieu de cette frénésie, un petit bossu fait fortune. Parce que la croyance populaire assure que toucher la bosse d’un tel infirme porte bonheur, il loue sa bosse, du matin au soir, comme un pupitre, d’un bout à l’autre de la rue, pour que les agioteurs, superstitieux, puissent rédiger, sur place, leurs ordres d’achat ou de vente et encaisser leurs bénéfices. Un véritable bureau ambulant.
On ne sait où réside le bossu, on ignore son nom, on ignore quand il vient ni quand il s’efface. On sait seulement que lorsque commença la déconfiture du système de Law, ce mystérieux personnage disparut. Il avait vite compris que la fête de l’argent facile était finie…