Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il revient sur l'allocution d'Emmanuel Macron. Alors qu'était annoncée une intervention sur la crise sanitaire, le président a vite balayé le sujet pour un discours politique de campagne.
Nicolas Beytout revient ce mercredi sur l’allocution d’Emmanuel Macron. Un exercice qui l'a laissé un peu mitigé.
Parce que c’est toujours désagréable de sentir qu’on sollicite votre attention sur un sujet pour vous faire, en réalité, passer un autre message. C’était bien le cas, hier soir : l’Elysée nous avait annoncé une intervention sur la crise sanitaire, dans la droite ligne de ce que le Président de la République avait promis, le 12 juillet dernier. Alors, certes, Emmanuel Macron a parlé de la cinquième vague, il a annoncé l’extension du pass sanitaire pour les plus de 65 ans qui devront donc, à partir du 15 décembre, pouvoir prouver qu’ils ont reçu une troisième dose. Certes, il a précisé que tout relâchement dans notre vigilance devait être proscrit, que les 50-64 ans eux aussi devaient se faire vacciner et que le masque resterait longtemps exigible dans la vie courante. Mais tout ça a été expédié vite fait, comme si ça ne valait pas plus que quelques mots. Le pass sanitaire devenant un pass vaccinal (ce qui n’est pas anodin) n’a mérité, dans la bouche du chef de l’Etat, qu’une petite phrase. Hop, c’est fait. Au total, sur près de 30 minutes d’allocution, la situation de l’épidémie (qui était pourtant le sujet annoncé du discours) n’a occupé qu’un tiers, moins de 10 minutes.
Le reste a été l’occasion pour le chef de l’Etat de faire un bilan de l’état de la France d’après Covid, et de parler d’avenir.
Dit de façon plus crue, le reste, c’est-à-dire l’essentiel de son allocution a été un discours politique de campagne. La petite histoire des élections présidentielles retiendra donc que le lancement officieux de la campagne d’Emmanuel Macron se sera déroulé le 9 novembre, soit 5 mois avant le premier tour de l’élection présidentielle. Sous prétexte de parler de ce qui allait se passer côté Covid et restrictions des libertés dans les semaines qui viennent, Emmanuel Macron a pu parler de lui à des millions de Français rassemblés devant leur poste de télévision ou de radio, avides de savoir. Le quasi-candidat s’est livré à un long exercice d’autocélébration de son action dans la maîtrise de la crise sanitaire, économique et sociale qui s’est abattue sur le pays depuis 18 mois. Pauvreté, pouvoir d’achat, chômage, mais aussi sécurité, police, justice, tout va bien, tout va mieux. J’ai dû me pincer, à la toute fin de son discours, en l’entendant dire, sur un ton vibrant : « Croyons en nous, nous le méritons ». J’ai cru un instant qu’il parlait de lui à la troisième personne…
Mais non, il parlait de la France et des Français. Il a aussi consacré toute une partie de son intervention à la valeur travail.
Sa boussole, a-t-il affirmé, avec en effet cette référence constante au travail, travailler plus avec le durcissement de l’assurance-chômage, travailler plus (et reculer à l’avenir l’âge légal du départ à la retraite), travailler plus pour sauver notre modèle social, travailler plus pour financer l’énorme problème de l’autonomie des personnes âgées. Travailler plus, et investir plus, en particulier dans le nucléaire, avec la confirmation du lancement de plusieurs nouvelles centrales nucléaires. On avait là, tout bonnement, un programme de candidat à sa propre réélection. C’était la partie 100% politique de son discours.
On en avait parlé ici il y a quelques jours, l’entourage du chef de l’Etat s’inquiétait du faux-plat que traversait sa communication. Le Président avait beau faire un déplacement par jour, ouvrir son chéquier à tout instant, bref être en quasi-campagne, son propos marquait de moins en moins. L’actualité était de moins en moins la sienne, il se retrouvait supplanté par les débats autour d’Eric Zemmour et maintenant de la primaire de la droite républicaine. L’Elysée cherchait donc un moyen de reprendre la main sur l’agenda médiatique. Voilà, c’est fait. Le débat peut, pour un temps, se réorienter vers l’âge de la retraite, l’assurance-chômage, le nucléaire, des sujets qui clivent et qui, autre avantage, piétinent allègrement les plates-bandes de la droite. Deux doses pour le prix d’une.