Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse au projet de budget pour 2021 que le gouvernement doit annoncer lundi prochain. La gauche s'offusque de l’absence de contreparties demandées par l’État dans les aides distribuées aux entreprises. Elle réclame que celles qui reçoivent une garantie d'État garantissent l'emploi en retour.
Le gouvernement met ces jours-ci la dernière main à son projet de budget pour 2021. Il a même décidé d’en avancer la présentation de quelques jours.
Ce sera fait lundi prochain, on est donc dans les derniers réglages. Ce qui est étonnant c’est que, pour une fois, ce projet de Loi de Finances ne suscite quasiment pas d’opposition. Le Covid a tellement dévasté l’économie que déverser des dizaines de milliards d’euros sur les entreprises paraît être une évidence et suscite peu de réticences.
Sauf sur l’absence de contreparties demandées par l’État.
C’est vrai. La gauche s’est engouffrée dans cette brèche, accompagnée par tous les syndicats. Leur raisonnement est simple : puisqu’on verse de l’argent à des entreprises, elles doivent en retour s’engager sur ce qu’elles en feront. Alors, il y a les grands principes. Par exemple, lorsque Bruno Le Maire flèche les aides vers une économie plus verte et plus numérique, ça reste un niveau d’exigence assez général. C’est autre chose dès qu’il s’agit de contreparties mesurables, par exemple sur l’emploi.
Oui, c’est la demande la plus fréquente : une entreprise qui reçoit une garantie de l’État doit à son tour garantir l’emploi.
C’est ça. C’est un truc très français, ça. Dès qu’une entreprise reçoit un avantage, par exemple une baisse d’impôt ou même un prêt, on entend dire que c’est un cadeau en espèces, qu’elle doit rembourser en nature, en emplois. On a eu ce débat pendant toute la deuxième moitié du quinquennat Hollande, autour du CICE, en oubliant bien sûr que ce crédit d’impôt était juste un moyen d’adoucir un matraquage fiscal historique. C’est un débat que le patronat de l’époque avait raté : il aurait dû expliquer que le gouvernement ne lui donnait pas d’argent, mais qu’enfin il en prenait un peu moins. Nuance…
Sauf qu’aujourd’hui, c’est bien l’État qui donne des aides ou qui offre des garanties.
C’est vrai, mais ça s’adresse à des entreprises exsangues. Et l’intérêt suprême du pays, c’est d’en sauver le maximum, pas de mettre en place une bureaucratie, avec une batterie d’indicateurs et une usine à gaz à faire rougir de plaisir n’importe quel vérificateur. S’il y a une chose dont n’ont pas besoin les chefs d’entreprise en ce moment, c’est bien de ce genre de paperasse.
En tout cas, pour l’instant, le gouvernement ne cède pas.
Non, il tient. En fait, c’est un nouveau test sur la solidité de sa ligne politique. Emmanuel Macron a tenu face à ceux qui voulaient augmenter les impôts des plus aisés au moment du confinement ; il a tenu lorsqu’il a fallu baisser les impôts de production, ces prélèvements stupides qu’une entreprise doit payer avant d’avoir fait un euro de chiffre d’affaires. Le voilà face à l’affaire des contreparties aux aides. Il doit tenir…
Même dans l’affaire Bridgestone ?
Là, c’est simple : si ça se fait, à l’avenir, les entreprises au bord du gouffre tireront l’échelle plus vite, afin de garder de quoi rembourser. L’inverse de ce qui est recherché.