L’ampleur de la crise du Coronavirus et l’inquiétude qu’elle suscite, sont devenus des éléments qui, s’ils ne sont pas gérés politiquement, seront vite inscrits au passif de nos dirigeants. Les sociétés modernes sont ainsi faites que le pouvoir politique ne peut plus passer à côté de ce genre d’événement.
Emmanuel Macron le matin et Édouard Philippe ensuite, le sommet de l’État s’est emparé du dossier du Coronavirus.
Les sociétés modernes sont ainsi faites que le pouvoir politique ne peut plus passer à côté de ce genre d’événement. D’abord, parce qu’ils exigent toujours une organisation à grande échelle des moyens de secours, une logistique de la prévention et une réponse à la menace. Mais aussi parce que l’ampleur de la crise et l’inquiétude qu’elle suscite, sont devenus des éléments qui, s’ils ne sont pas gérés politiquement, sont vite inscrits au passif de nos dirigeants.
C’est ce qu’on a vu à Rouen, après l’incendie de Lubrizol ?
Cette fois-là, le pouvoir est passé tout près de la faute politique. Il a sous-estimé l’effet angoissant des dépôts de fumée et la dimension "catastrophe écologique" rappelée à chaque instant par l’odeur infecte qui avait envahi la région. Absent du terrain et des médias, le gouvernement a abîmé son image environnementale. Il a nourri son procès en manque d’empathie pour le malheur des gens, le tout accéléré par les réseaux sociaux et les rumeurs.
C’est évidemment une dimension nouvelle dans ce genre de crise ?
Et qui impose d’allumer très tôt des contrefeux pour stopper toute propagation d’informations biaisées ou malveillantes. Mais la vraie difficulté ce n’est pas tellement d’aller vite, c’est de bien doser sa communication. Ne pas en faire trop, ni pas assez.
En faire trop, c’est risquer de créer une panique ?
Et n’en faire pas assez, vous expose à un appel en responsabilité de la part de futures éventuelles victimes. Pas simple ! Et d’autant moins facile que les pouvoirs publics ont cette fois à gérer une grande inconnue, on ne sait pas avec certitude combien de temps dure l’incubation, ni à quel moment un malade infecté cesse d’être contagieux. On ne sait donc pas du tout combien de Français peuvent être aujourd’hui des porteurs non-déclarés du virus. La réalité, c’est qu’il n’y a pas de bonne façon pour un gouvernement de gérer cette affaire.
C’est-à-dire ?
Prenons l’exemple des municipales et de la campagne. Faudra-t-il, si le besoin s’en fait sentir, limiter les réunions électorales, au risque d’être accusé de torpiller un scrutin qui ne s’annonce pas forcément favorable à la macronie ? Faudra-t-il prendre à son compte des mesures venant de l’opposition (par exemple la fermeture des frontières) ou, au contraire, les balayer d’un revers de main ? Le procès politique ne tarderait pas à surgir. À chaque fois, il y a des coups à prendre. La seule règle pour les atténuer c’est d’être le plus transparent et le plus proche possible des gens. Avec un peu de chance du côté du virus, ça peut marcher. On l’a vu, dans l’histoire récente lorsque l’ancien chancelier Schroeder avait miraculeusement sauvé sa réélection à la tête de l’Allemagne, après de dramatiques inondations. Ce serait étonnant que personne à l’Élysée n’ait cet exemple dans un coin de sa tête.