S'opposer ou non ? Pour La France insoumise, le Rassemblement national ou encore Les Républicains, avoir un positionnement clair face au gouvernement et à la majorité dans cette crise sanitaire est une gageure, comme l'explique Nicolas Beytout dans son édito de jeudi.
Edouard Philippe et Olivier Véran ont été auditionnés mercredi par l’Assemblée nationale. Et vous avez été frappé par l’attitude de l’opposition.
En fait, cette visio-conférence devant la Mission d’information sur le Covid-19 était un peu irréelle. Si il avait fallu trouver un titre à cet épisode en vidéo de la vie politique française, on aurait intitulé ça : "De la difficulté à être dans l’opposition en temps de guerre".
Et qu’est-ce qui vous a semblé irréel ?
D’abord la composition de cette Mission. Elle sera dirigée (verrouillée ?) par le président de l’Assemblée en personne, avec une majorité absolue de représentants de la majorité (La République En Marche et MoDem), et une opposition éparpillée entre par exemple 5 Républicains, 2 socialistes, 1 député de La France Insoumise, et zéro Rassemblement national. Alors, pour ce parti, cette absence n’est pas vraiment un problème : la présence médiatique de son leader fait largement l’affaire. Marine Le Pen continue à marteler que le gouvernement "ment sur absolument tout" ; elle ne variera pas.
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a expliqué mercredi, sans trop d’état d’âme, qu’Emmanuel Macron "est fatigué, qu’il est au bout de sa vie". Dur. Cela dit, si on y regarde de près, on s’aperçoit que sa stratégie à lui n’est pas aussi limpide que cela. Un jour il cogne, un autre il montre de la réserve et appelle à la cohésion. Au fond, Jean-Luc Mélenchon représente à lui seul les difficultés qu’ont certains partis à se positionner.
Et justement, pour les autres, ça se passe comment ?
Pour les Verts, les choses sont assez simples : Yannick Jadot estime par exemple que le temps des questions viendra, après. Et son parti est plutôt en ligne avec ce positionnement.
Mais ailleurs, c’est différent. En fait, ce qui est difficile pour une opposition en temps de guerre, c’est de choisir le bon réglage entre le besoin d’union nationale et le droit absolu, en démocratie, de s’opposer.
Au PS, le Premier secrétaire Olivier Faure est plutôt sur une ligne "on fera les comptes plus tard", même si certains de ses membres rompent régulièrement cette sorte de trêve politique. Mais c’est au sein du parti Les Républicains que ça hésite le plus. Son patron, Christian Jacob, est sur une ligne modérée : "Ce qui compte, c’est de faire face à la crise sanitaire ; le temps du bilan viendra plus tard". Le président du Sénat, Gérard Larcher, est sur la même ligne, mais d’autres comme Bruno Retailleau, ou Damien Abad, les patrons des sénateurs et des députés, sont beaucoup plus durs, beaucoup plus critiques. Pas de temps mort, pour eux.
Cette difficulté à se positionner pour Les Républicains, c’est révélateur d’une faille plus profonde ?
Oui, qui devient même une fracture quand on parle de l’après-crise. Là, ça part dans tous les sens, entre gaullisme social, libéralisme, souverainisme, anti-globalisation. Il y en a pour tous les goûts. Pas d’union sacrée, dans ce parti, c’est sûr. Pour l’instant, cette maladie de la droite est assymptomatique, mais gare au moment où elle se réveillera.