Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.
Bonjour Nicolas, cette semaine vous n’avez pas aimé le retour du débat sur le rétablissement de l’ISF.
Exact. Alors, pour être franc, c’était inévitable. En pleine crise des "gilets jaunes", cette crise qui est à l’origine un sujet pouvoir d’achat des Français les moins riches, le retour du débat sur ce qui a été un des premiers marqueurs du quinquennat d’Emmanuel Macron n’est pas étonnant. C’est le troisième Président ou Premier ministre à l’avoir fait, et c’est le troisième à en faire les frais sur le plan politique. Jacques Chirac, Premier ministre en cohabitation avec François Mitterrand avait supprimé cet impôt sur les grandes fortunes que la gauche avait créé en 1981 ; il a toujours dit ensuite que c’est ça qui avait provoqué son échec à l’élection présidentielle suivante.
Nicolas Sarkozy avait préféré créer un bouclier fiscal, un plafonnement des prélèvements sur la fortune, ça l’a poursuivi tout son quinquennat. Et voilà Emmanuel Macron à son tour accusé d’avoir fait une politique pour les riches.
Bon, c’est donc assez classique.
Oui, classique venant de la gauche, le PS, la France Insoumise. Classique aussi venant d’une partie du Rassemblement national. Ce qui l’est moins, c’est que ce débat sur la suppression de la suppression de l’ISF traverse maintenant la majorité En Marche. On voit bien qu’ils sont nombreux à être mal à l’aise. Et il y a eu un vrai couac, il est dû à Marlène Schiappa, la Sec d’Etat à l’Egalité femme-homme qui a signé un communiqué à en-tête de son ministère pour réclamer le rétablissement de l’ISF, puis un autre pour dire que le gouvernement était "OK", et affirmant que Benjamin Griveaux l’avait confirmé.
Il a fallu que le Président de la République la recadre sèchement en Conseil des Ministres pour refermer le sujet. En temps normal (je veux dire, à un moment où on ne s’interroge pas tous les jours sur la survie du gouvernement), ça aurait fait un sacré pataquès.
Donc, pas de retour de l’ISF, mais tout de même, si j’ai bien compris ce que dit finalement le Premier ministre, un débat, une évaluation sur les effets bénéfiques ou pas pour l’économie de cette suppression.
Exactement. Ce qui est tout à fait légitime. Sauf que, évoquer un bilan comme cela a été fait, c’est ouvrir justement la voie au rétablissement à terme de l’ISF. Et c’est la chose la plus stupide qu’on puisse imaginer. Stupide parce que cette satanée suppression de l’ISF était censée envoyer un signal de retour à tous les Français qui, depuis des années, des décennies, ont quitté le territoire, ont exprimé leur ras-le-bol fiscal avec les pieds. Ils sont partis. Croyez-vous que ceux, ils sont nombreux, qui réfléchissaient à la possibilité de revenir en France, ne vont pas se dire que ça ne sert à rien, que c’est un piège à ISF ?
Deuxième stupidité : parmi les Français les plus riches, vous pouvez être sûr que certains se disent déjà que ça recommence. Et qu’ils se reposent la question : faut-il rester ? Or, plus que jamais, on a besoin de l’argent, des capitaux de tous, chez nous, pour investir, développer les entreprises, créer de l’emploi.
Ce que vous dites, c’est que l’effet psychologique du simple débat sur l’ISF est déjà là.
Oui, et l’effet politique aussi. C’est quand même ahurissant de voir que dans un pays, la France, qui était championne d’Europe des impôts, et qui vient de décrocher la médaille d’or du pays le plus taxé de tous les pays développés, c’est inouï de penser que la réponse à la crise des "gilets jaunes", que la réponse à ce ras-le-bol fiscal, c’est de créer un nouvel impôt.