Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il revient évidemment sur l'interview d'Emmanuel Macron diffusé en smultané sur TF1 et LCI.
Retour avec Nicolas Beytout sur la prestation d’Emmanuel Macron dans l’émission de TF1, ce mercredi soir.
D’abord un mot sur la forme : cette émission était assez originale, bien fabriquée, avec de puissants moyens de réalisation, j’allais dire une émission bien calibrée, et sûrement très réussie du point de vue de l’Elysée.
On le sait, Emmanuel Macron et son entourage réfléchissaient depuis quelques temps à la façon de résoudre deux problèmes importants avant de se lancer dans une déclaration formelle de candidature à sa réélection. Premier problème : assumer le bilan, endosser les échecs ou les points noirs du mandat, les évoquer pour les expliquer et (comme on dit) les mettre derrière lui.
Ces points noirs, ce sont les Gilets jaunes, l’affaire Benalla, l’insécurité, par exemple…
C’est ça. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’émission a passé beaucoup de temps sur ces dossiers (plus d’une heure, en comptant la partie consacrée à la crise du Covid). On peut ajouter aussi cette photo dégradante du Président avec deux jeunes Antillais qui font un doigt d’honneur, bref tout ce qui a fait douter que ce jeune homme (jeune en politique) soit à la hauteur de sa tâche.
Emmanuel Macron s’est longuement expliqué, justifié (beaucoup justifié). Il a admis des erreurs, en précisant qu’il avait appris de ces séquences et qu’il ne les avait pas reproduites. C’était un exercice in vivo de contrition (oui, j’ai fauté), mais pas de regret, pas de mea culpa.
D’ailleurs le chef de l’Etat l’a dit, à la toute fin de l’interview : « je n’ai pas de regret ; je ne fonctionne pas comme ça ».
Aucune révélation, aucun argument véritablement nouveau, et donc probablement aucune chance d’avoir convaincu ses adversaires les plus résolus, mais une façon de regarder les problèmes en face, de les commenter et de donner sa vérité. Ça, c’est fait, le chef de l’Etat pourra désormais, dans la campagne électorale qui ne manquera pas de suivre, s’y référer. Première mission plutôt accomplie.
Il y avait un deuxième problème à résoudre, disiez-vous ?
Oui, celui de la personnalité d’Emmanuel Macron : qui est-il, que savent les Français de lui, au-delà des images toutes faites de « Président des riches » ou de l’arrogant qui ne connaît pas les gens et décide seul ? C’est un axe d’attaque très souvent utilisé par ses adversaires politiques. Là encore, l’émission a (si j’ose dire) fait le boulot : on a eu de longues séquences sur l’homme, son éveil à la réalité de la pauvreté et de la fragilité des vrais gens, son apprentissage de l’amour des Français. On a appris (ou redécouvert, diront ses partisans) qu’il était un affectif qui le cache, qu’il était quelqu’un de très humain (tout ça ce sont des citations).
Une partie très maîtrisée, très jouée aussi, mais qui pourra servir à installer un nouveau référentiel, celui de l’homme avec qui les Français ont traversé le pire, avec qui ils ont vécu (je cite là encore) l’inoubliable. Celui du Président qui a appris que, pour réussir à bousculer le système, il faut ne pas blesser les gens.
C’était efficace ?
Pour ceux qui l’apprécient, oui certainement. Pour ceux qui le combattent ou bien ne l’aiment pas, non, évidemment non, pas du tout. Et pour tous ceux qui sont encore indécis, mais sont prêts, de bonne foi, à revisiter ces cinq années dont quatre de crises diverses, oui, peut-être. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que c’était une émission totalement politique, entièrement tournée vers la préparation du terrain pour la déclaration future de sa candidature.
Une séquence qui avait toutes les chances d’exaspérer l’opposition, et qui, si elle avait eu lieu pendant la campagne électorale officielle, aurait largement pesé sur les comptes du candidat Macron. En somme, le premier coup politique de sa campagne