Gestion du confinement : les limites de la centralisation du pouvoir

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Dans son édito vendredi, Nicolas Beytout revient sur la marche arrière d'Emmanuel Macron, qui a finalement décidé de ne pas faire de déconfinement par région. Il pointe du doigt notamment une gestion de la crise trop centralisée depuis le début de l'épidémie. 

Emmanuel Macron a indiqué hier que le déconfinement ne se ferait pas par région. 

Ouf, on est passé tout près d’une catastrophe, avec une France qui aurait été déconfinée ici, mais toujours strictement confinée là. Parce que comment faire sans créer des frontières ? Comment traverser une région confinée pour aller d’un endroit déconfiné à un autre. Comment faire pour des salariés "frontaliers" ? Pour des entreprises dont les fournisseurs ou les clients auraient été situés dans une région bloquée ? Kafka lui-même n’y aurait pas retrouvé ses petits. 

Plusieurs élus locaux et Présidents de régions le demandaient pourtant, ce déconfinement par région.

C’est vrai, mais il y a un malentendu sur ce qu’ils revendiquaient. Lorsque Hervé Morin, le président de la région Normandie, demande un "déconfinement régionalisé", il dit clairement que les grands principes doivent être fixés par l’Etat (par exemple les mesures de sécurité dans les transports, l’autorisation d’ouvrir des écoles), mais que la gestion locale doit se faire au cas par cas.

Exactement ce qu’avait indiqué l’Elysée, après le discours d’Emmanuel Macron annonçant la date du 11 mai. L’exemple qui avait été cité évoquait des départements comme le Cantal ou la Lozère, qui, étant beaucoup moins touchés par le virus, pourraient revenir plus vite à la vie normale. C’est très exactement ça, le déconfinement non pas régional, mais régionalisé, nuance.

Tout de même, depuis le début de cette épidémie, est-ce que la gestion de la crise n’a pas été trop centralisée ?

Si, bien sûr. Parfois jusqu’à la caricature. Je pense à l’affaire des masques, que l’Etat a si mal gérée, à coup de réquisitions, de blocages administratifs, de problèmes de normes et de retards de paiement. Pendant ce temps, les départements, les mairies ont assuré ce que l’Etat central était incapable de faire.

Je pense aux allers et retours sur la décision de fermer les marchés ouverts (les marchés de plein air tellement vitaux pour les territoires). La décision avait été prise au niveau national, mais l’application des exceptions devait être gérée par les préfets. Evidemment, c’était encore trop loin du terrain, ce sont les maires qui avaient la meilleure vision du problème. Mais non, les préfets, c’est l’Etat, et force est restée à l’Etat. 

Bon, Emmanuel Macron a quand même réuni quelques-uns de leurs représentants, hier. C’est une façon de renouer avec le local ? 

Exactement. Mais tout ça se fait en partie à reculons. En réalité, l’Etat a un manque de confiance fondamental dans ce qu’il ne contrôle pas directement. Et pourtant, l’Etat central est un piètre gestionnaire, et on a vu dans l’affaire des masques, ou des tests, qu’il est loin d’être un organisateur hors pair.

Au fond, tout cela est une question de confiance. Or la France, et l’administration en particulier, fonctionne à l’inverse, dans la défiance. Cette fois-ci, pour essayer d’en sortir, on parle maintenant de "co-responsabilité" dans la gestion du déconfinement, celle des maires et des préfets, représentants de l’Etat. C’est un progrès, mais on est encore loin de ce qui a fait ses preuves ailleurs.

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