La difficile question de la fin du "quoi qu'il en coûte"

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Emmanuel Macron recevra à l'Elysée jeudi, pour la première fois de le début de l'épidémie de coronavirus, les partenaires sociaux (patronat et syndicats), pour évoquer la relance de l'économie. Pour l'éditorialiste d'Europe 1 Nicolas Beytout, Emmanuel Macron doit résoudre une équation périlleuse : la fin du "quoi qu'il en coûte", sans mettre en danger les entreprises et les emplois qui ont été sauvés.

Emmanuel Macron réunira tout à l’heure à l’Elysée l’ensemble des syndicats. Une première depuis le début de l’épidémie.

Les rendez-vous précédents avaient eu lieu en visio-conférence. Cette fois, tout le monde sera physiquement présent, ce qui ajoute à l’aspect symbolique de ce moment qui pourrait rester comme le premier acte social de l’après-Covid. Le premier signal d’une éventuelle autre politique, puisqu’il est désormais de bon ton d’assurer que plus rien ne sera comme avant. Sauf qu’auparavant, il faut passer une étape cruciale, extrêmement délicate : la fin du "quoi qu’il en coûte".

Le "quoi qu’il en coûte", c’est cette règle annoncée par le Président de la République au début de l’épidémie. 

Oui, pour promettre que l’Etat ne laisserait tomber personne, aussi bien à l’hôpital (ce qui fut fait), qu’auprès des entreprises et des salariés. Le "quoi qu’il en coûte", c’était la mobilisation maximum des services d’urgence, et c’est les dizaines de milliards d’euros déversés sur l’économie pour aider les salariés à maintenir l’essentiel de leur pouvoir d’achat, et les entreprises à éviter la faillite.

Problème : il faut maintenant commencer à fermer le robinet des aides, tout simplement parce qu’on ne peut plus assumer, on ne peut plus tout financer. Mais couper trop vite, trop fort, ce serait risquer de ruiner ce qui aura été sauvé jusque-là. Le chef de l’Etat va donc discuter avec les syndicats d’un mécanisme de substitution aux aides, probablement calqué sur une idée de partage de responsabilité : que chacun, Etat, entreprises, salariés, fasse un effort, et prenne en charge une partie de ce "quoi qu’il en coûte". 

Evidemment, les syndicats sont très vigilants. 

Oui, et pas seulement eux : au sein même de la majorité, la demande de plus de social est forte. Avec les sujets d’écologie, cela ressort nettement, en particulier des revendications de l’aile gauche de La République en Marche, enfin de ceux qui n’ont pas choisi de quitter le parti pour fonder leur micro-structure (une tendance très en vogue en ce moment).

Même chose au sein de l’opinion publique, qui a fait passer, dans les sondages, la crainte du chômage devant celle du virus, depuis que l’épidémie semble sous contrôle. Et puis, l’image d’Emmanuel Macron souffre toujours d’un déficit de social, image que la réforme des retraites n’avait évidemment pas améliorée.

Bon, mais elle a été abandonnée, cette réforme des retraites.

Oui. Et une partie de celle sur l’assurance-chômage a été suspendue. Mais, renoncer aux réformes en cours, ça ne fait pas un projet politique enthousiasmant. Pas plus que revenir en arrière sur la suppression de l’ISF ou les ordonnances travail, ce qui serait une concession politique majeure à ses adversaires (une vraie défaite, en réalité).

C’est toute la difficulté des choix que doit faire Emmanuel Macron. Sa politique pro-entreprises (plutôt de droite) a marché dans la première partie du quinquennat (l’emploi s’est redressé, la croissance est repartie, l’investissement aussi). Y renoncer pour faire plus social (pour faire plus à gauche), ce serait risquer la même erreur que tous ses prédécesseurs à l’Elysée : ce serait faire, défaire, puis être battu.

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