Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse aux problèmes régaliens tels que la sécurité que doit désormais affronter Emmanuel Macron.
Des heurts répétés à Dijon et des manifs qui tournent mal à Paris. Est-ce que le climat post-confinement est en train de dégénérer ?
Oui, même si, bien sûr, il faut préciser que ces violences n’ont rien à voir entre elles. À Dijon, c’est d’abord une affaire de communautés, de bandes rivales et de contrôle d’un territoire. À l’évidence, le confinement a fait monter les tensions, ne serait-ce qu’en privant, là comme ailleurs, les dealers de leur petit commerce crapuleux. Sur un autre front, le retour des manifs (plus de 200 ce mardi dans toute la France) a fait ressortir les casseurs, qui se sont abattus sur les cortèges un peu comme la vérole sur le bas-clergé. Ils ont retrouvé leur terrain d’affrontement favori avec la police. Ça avait commencé avec les manifs illégales du comité Traoré, devant le Palais de Justice de Paris puis à la République, et ça empiré hier en marge des rassemblements de blouses blanches qui manifestaient pour la défense de l’hôpital.
À nouveau, la police se retrouve en première ligne dans des opérations de maintien de l’ordre.
C’est un peu un cercle infernal, depuis deux ans : les Gilets jaunes, les manifestations du 1er mai et la prise de contrôle par des Black Blocs, les manifs à répétition lors de la réforme des retraites, c’est un cycle qui ne s’arrête pas, qui vient s’ajouter à la montée de la violence quotidienne et d’une délinquance "ordinaire". Et qui semble en partie échapper aux forces de l’ordre. Le signal d’alarme avait été tiré par Gérard Collomb, dans son mémorable discours d’adieu à son ministère, début octobre 2018 : parlant des quartiers difficiles, l’ex-ministre de l’Intérieur avait averti que "la loi du plus fort s’y impose, celle des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République".
Et depuis ?
Depuis, rien n’a changé. C’est le gros point faible de la politique d’Emmanuel Macron. À la fois sur le plan des idées : c’est un sujet dont il parle peu. Et sur le plan des hommes : il y a un problème Castaner ; le ministre était déjà connu pour ses déclarations intempestives et ses nombreux rétropédalages. Mais le feuilleton de ces derniers jours laisse pantois. Sa notion de "soupçon avéré de racisme" dans la police, puis l’interdiction des prises d’étranglement ont été si vivement dénoncées par ses troupes qu’il a été obligé, piteusement, de reculer. Sans pour autant que ses relations avec la police n’en soient améliorées. Il y a un problème Castaner, et cela rejaillit sur le chef de l’État.
Est-ce que le Président n’attend pas le remaniement, en juillet, pour trancher la question ?
Si, c’est vraisemblable. Et si cela permet à son prochain gouvernement de rétablir la confiance avec les forces de l’ordre, alors ce sera une étape importante dans le rétablissement du lien avec elles. Mais ça ne suffira pas au chef de l’État pour se prévaloir d’un véritable bilan en la matière. Or, c’est pour une grande partie de son électorat, un point sensible. Et c’est le seul créneau sur lequel la droite, réputée plus crédible sur les sujets régaliens, peut l’attaquer efficacement. Elle ne s’en privera pas.